L’archevêque Thabo Makgoba alerte sur une crise de confiance démocratique en Afrique du Sud

Les luttes intestines au sein du gouvernement d’union nationale sapent la légitimité démocratique, selon le chef de l’Église anglicane

L’archevêque anglican Thabo Makgoba a utilisé son sermon pascal pour adresser un avertissement sévère aux responsables politiques sud-africains : les rivalités partisanes et les querelles d’ego au sein du Gouvernement d’Union Nationale (GNU) menacent de créer une grave crise de confiance dans le système démocratique du pays.

Lors de son homélie annuelle prononcée à la cathédrale Saint-George au Cap, Makgoba a déclaré que les responsables politiques accordent davantage d’attention à la « compétition politique » qu’à la résolution des problèmes urgents du pays. Il a souligné que la « crédibilité et l’engagement en faveur d’une bonne gouvernance de nos partis politiques sont aujourd’hui sérieusement remis en question ».

L’archevêque a également insisté sur la nécessité que le dialogue national prévu par la présidence soit indépendant et « libre de toute manipulation politique ». Il a mis en garde contre une instrumentalisation du processus par des élites politiques et économiques.

« La semaine dernière, des représentants du Conseil sud-africain des Églises ont rencontré le président Ramaphosa et des membres de son gouvernement, où nous avons exprimé notre profond désaccord face aux comportements d’arrogance et de surenchère politique observés chez certains membres du GNU, au détriment des défis urgents que traverse notre nation », a déclaré Makgoba.

Selon lui, si les acteurs politiques ne mettent pas fin à ces jeux dangereux et ne reconnaissent pas la légitimité de leurs partenaires, « c’est le concept même de gouvernance démocratique qui risque de sombrer dans une crise de confiance ».

Makgoba a en outre critiqué l’attitude d’une frange du Congrès National Africain (ANC), qui a, selon lui, du mal à accepter qu’elle n’a plus le soutien majoritaire de l’électorat :

« Ils continuent de se comporter comme s’ils détenaient seuls la légitimité. »

Il a également reproché à l’Alliance démocratique (DA) de « se comporter parfois comme si son score électoral lui permettait d’imposer ses vues, au mépris des partis ayant obtenu une représentation plus large ». À l’échelle municipale, il a dénoncé la manière dont certains partis minoritaires exercent un pouvoir démesuré par rapport à leur poids réel dans les urnes.

Trente ans après l’instauration de la démocratie, Makgoba a estimé qu’il était impératif de respecter la légitimité de chaque formation élue au Parlement, en rappelant qu’aucun parti ne devrait s’arroger une autorité supérieure à celle que lui confère le vote populaire.

Il a insisté sur le fait que le succès du dialogue national dépendra de l’implication de l’ensemble de la société civile et pas seulement du gouvernement :

« Le processus doit devenir l’affaire de tous, pas uniquement du pouvoir exécutif. »

Selon lui, la crédibilité du dialogue repose sur sa capacité à représenter fidèlement toutes les composantes de la société sud-africaine. À ce titre, le comité de pilotage et le panel consultatif des personnes éminentes proposés par la présidence devront pouvoir agir « en toute indépendance ».

Enfin, l’archevêque a conclu en soulignant les enjeux cruciaux :

« Nous n’instaurerons une justice véritable en Afrique du Sud que si nous honorons les promesses de notre Constitution en travaillant ensemble pour le bien commun. Si nous échouons à démontrer que la démocratie peut améliorer la vie de notre peuple, nous risquons de suivre le chemin de certains pays dits développés qui glissent progressivement vers des autocraties populistes. »

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