
Face aux coûts élevés des expulsions forcées, Washington mise sur la “déportation volontaire” des migrants, avec prime à la clé.
Washington D.C. — Dans un tournant aussi surprenant que controversé, l’administration Trump propose désormais une prime de 1 000 dollars et une aide au voyage pour les migrants qui choisissent de quitter volontairement le territoire américain. Cette mesure, annoncée lundi par le Département de la Sécurité intérieure (DHS), vise à encourager l’« auto-expulsion » pour réduire les coûts associés aux procédures classiques d’arrestation et de renvoi.
« Si vous êtes ici illégalement, l’auto-expulsion est le moyen le plus sûr, le plus économique et le plus efficace pour quitter les États-Unis et éviter une arrestation », a déclaré Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure.
Une prime pour partir plutôt qu’une procédure judiciaire
Selon les chiffres fournis par le DHS, une expulsion complète — incluant arrestation, détention, transport et démarches judiciaires — coûte en moyenne 17 000 dollars par personne. Le programme d’auto-expulsion avec prime, lui, coûterait une fraction de ce montant, tout en permettant de désengorger les centres de rétention et le système judiciaire migratoire.
Cette nouvelle approche marque un virage tactique dans la stratégie de Donald Trump, revenu à la Maison-Blanche en janvier, qui avait promis de renvoyer des millions de migrants en situation irrégulière. Pourtant, les chiffres de son administration montrent qu’à ce jour, 152 000 personnes ont été expulsées depuis le 20 janvier, un chiffre inférieur aux 195 000 expulsions réalisées sur la même période l’an dernier sous Joe Biden.
Une application pour planifier son départ
Pour faciliter ce programme, le gouvernement a lancé en mars une version remaniée de l’application CBP One, désormais rebaptisée CBP Home. Initialement conçue sous Biden pour organiser l’entrée légale des migrants, l’application sert désormais à planifier un retour volontaire.
« Si ce sont de bonnes personnes, et si on souhaite leur retour, nous travaillerons avec elles pour les faire revenir légalement », a déclaré Trump en avril.
Mais dans sa communication officielle, le DHS reste flou. Le communiqué précise que ceux qui choisissent de partir « pourraient préserver leur chance de revenir légalement », sans toutefois mentionner de voie d’immigration spécifique ou de programme de retour prioritaire.
Des critiques immédiates
Plusieurs associations de défense des droits des migrants dénoncent cette stratégie comme une forme déguisée de chantage financier, visant à masquer une politique d’expulsion sévère derrière un masque « humanitaire ». L’initiative a également suscité l’indignation à l’étranger, notamment après que des migrants ont été renvoyés vers des prisons tristement célèbres à Guantanamo Bay ou au Salvador, dans le cadre d’autres politiques de dissuasion.
Pour certains analystes, cette stratégie révèle surtout un pragmatisme budgétaire : l’administration Trump souhaite expulser massivement, mais sans en assumer le coût politique ni financier. D’autres y voient une tentative électoraliste pour afficher un bilan migratoire solide à l’approche des échéances législatives.
Une logique punitive déguisée ?
Sous l’apparence d’une main tendue, les menaces de sanctions restent présentes. Le DHS continue d’agiter la menace de fortes amendes, de retraits de statuts légaux et même de déportations dans des zones à haut risque, afin de convaincre les sans-papiers que partir par eux-mêmes est « la meilleure option ».
Partir pour mieux revenir ?
À l’heure où l’Amérique redessine ses frontières morales et géographiques, cette prime à l’exil pose une question cruciale : l’auto-expulsion est-elle un choix ou une contrainte maquillée ?
Et plus encore : quelle place reste-t-il pour une véritable politique d’accueil, dans un pays qui se veut toujours — du moins officiellement — la terre des opportunités ?
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