Le pouvoir burundais a annoncé la fermeture de sa frontière avec le Rwanda. Selon le ministre burundais de l’Intérieur Martin Niteretse, c’est “ le mauvais voisinage de Paul Kagame, président du Rwanda” qui explique cette décision prise et immédiatement appliquée le jeudi 11 janvier de fermer la frontière terrestre entre le Burundi et le Rwanda. Le ministre de l’Intérieur annoncé dans la foulée l’expulsion de tous les ressortissants rwandais du Burundi. À Bujumbura, la capitale économique, le ministre de l’Intérieur a encore expliqué que le Rwanda héberge des “ennemis qui nuisent au pays” en évoquant les rebelles du groupe RED-Tabara, principale rébellion hostile au pouvoir du président Évariste Ndayishimiye. Un groupe qui a lancé une attaque qui a fait 20 morts, le 22 décembre, près de la frontière avec la République démocratique du Congo. Le 30 décembre, le président burundais avait accusé le Rwanda de soutenir ces rebelles. ” Nous avons arrêté toute relation avec lui (Kagame) jusqu’à ce qu’il revienne à de meilleurs sentiments ”, a encore expliqué jeudi M. Niteretse. De leur côté, les autorités rwandaises nient tout soutien aux RED-Tabara et ont publié un bref communiqué dans lequel elles expliquent : “avoir appris par les médias la décision unilatérale du gouvernement du Burundi de fermer une fois de plus les frontières avec le Rwanda”. Une décision qualifiée de “regrettable” et qui va “restreindre la circulation des personnes et des biens entre les deux pays”. Le Rwanda a beau jeu de rappeler que cette décision viole les principes de coopération et d’intégration régionales de l’East African Community. “Faire plaisir à Kinshasa” Pour nombre d’observateurs cette fermeture est surtout à lire dans la volonté du pouvoir burundais de se glisser dans les pas de Kinshasa. “C’est le fameux, l’ennemi de mon ami est mon ennemi”, explique un diplomate africain. Rien ne semble en effet justifier stratégiquement ou d’un point de vue logistique cette fermeture. Les attaques des rebelles RED-Tabara, bien réelles, sont menées depuis le Sud-Kivu, en République démocratique du Congo, le grand voisin pourtant jamais pointé du doigt par le Burundi. Plongés dans une crise économique qui ne cesse de s’aggraver au fil des jours, les responsables burundais n’ont jamais trouvé la parade. Le pillage des ressources de l’État par les maquisards qui ont pris les rênes du pays a vidé les caisses, leur appétit démesuré dans le secteur minier a fait fuir les investisseurs et coupé les principales rentrées du pays. Le Burundi est aujourd’hui exsangue. Sans revenu, sans devise, les pénuries s’accentuent chaque jour et le manque d’essence a démultiplié la crise. ” Le pouvoir espère retirer des dividendes de ses accords avec Kinshasa”, explique un habitué de la région. « Des dividendes pour lui mais aussi pour le peuple, car il sait qu’il ne pourra durer que s’il apporte quelques réponses au quotidien devenu impossible des Burundais”. Le dernier rapport des experts de l’Onu sur la RDC paru il y a quelques jours a documenté non seulement le fait que des militaires burundais étaient présents dans le Sud-Kivu dans le cadre de la mission de l’East African Community et pour lutter contre les mouvements rebelles comme les RED-Tabara mais aussi dans le Nord-Kivu, dans des uniformes de l’armée congolaise pour tenter de contrer l’avancée des rebelles du M23 que Kinshasa n’a jamais pu contenir malgré son armée, ses mercenaires occidentaux, des milices communautaires et les FDLR, ces opposants au régime de Paul Kagamé. Évidemment, peu de doute que cette participation burundaise à l’effort de guerre congolais implique certaines contreparties de Kinshasa. Le Rwanda de Paul Kagame a fait de l’exportation de son armée un de ses atouts diplomatiques et économiques sur le continent. Évariste Ndayishimiye est tenté de le suivre au moins avec la RDC de Tshisekedi. Mais les éventuels fonds qui rentreront au pays, s’ils ne vont pas directement dans les poches des dirigeants, permettront à peine de colmater les brèches béantes dans tous les secteurs d’activité en panne. Pari risqué Ce pari burundais est particulièrement risqué. D’abord, le pays se met un peu plus en porte-à-faux par rapport aux autres membres de l’East African Community qui n’ont pas apprécié d’être éconduits par Tshisekedi qui avait fait appel à leur service avant de les « jeter » estimant qu’ils n’en faisaient pas assez contre le M23. Ensuite, la fermeture de cette frontière avec le Rwanda va immédiatement causer de nouveaux soucis à l’économie burundaise. “Des centaines de Rwandais qui ont des moyens financiers appréciables se rendent très régulièrement pour un week-end ou plus à Bujumbura. C’est un endroit couru, beaucoup plus décontracté que Kigali pour faire la fête. Les francs rwandais qui rentrent ainsi dans le circuit burundais, ce n’est pas négligeable. Cette fermeture est d’autant plus incompréhensible que Tshisekedi, malgré tout ce qu’il dit sur les relations entre Kigali et Kinshasa, n’a jamais fermé sa frontière. Le business entre les deux États est essentiel dans l’est du pays”, explique un homme d’affaires de Goma. C’est aussi un coup dur pour tous les maraîchers burundais de la région de Cibitoke, proches de la frontière et qui font le gros de leur chiffre d’affaires avec le Rwanda. Bref, le Burundi ne semble pas avoir grand-chose à gagner dans cette fermeture de la frontière, surtout en ce début d’année où les pénuries sont légion. “Clairement, avec cette fermeture, le Burundi se tire une balle dans le pied”, explique un ex-diplomate. “Il faut espérer que la compensation congolaise sera à hauteur des efforts et ne tardera pas ou que le FMI et la Banque mondiale acceptent de lâcher du cash rapidement. Le pays est vraiment au bord de la faillite”, poursuit un observateur attentif de la région. Que pensez-vous de cet article?
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Noé Juwe Ishaka ; Ph.D Candidate ;
Adler University, Chicago Campus, IL
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