« Ça ne se passe pas bien du tout.” Le constat est aussi limpide qu’il était prévisible. Il émane d’une source européenne installée à Bujumbura, la capitale économique du Burundi, et a trait à la reprise du dialogue entre l’Union européenne et le plus petit pays d’Afrique centrale, après la levée des sanctions économiques instaurées en 2016.
Des sanctions qui prévoyaient la suspension de l’aide financière directe à l’administration ou aux institutions burundaises. Mais la fin des restrictions bruxelloises ne signifie pas la reprise automatique de l’arrivée de fonds européens au Burundi. Tout doit être renégocié entre les deux camps et, pour que l’Union européenne délie les cordons de sa bourse, le Burundi doit remplir certaines conditions, notamment sur les questions du respect des droits de l’homme et de l’état de droit.
“C’est là que le bât blesse sérieusement, poursuit la source européenne, le pouvoir burundais n’envoie guère de signes positifs. Le dialogue a repris mais c’est un dialogue de sourds.”
“Le pouvoir a compris”
Le pouvoir burundais, qui était à la fête depuis la levée des sanctions en février dernier, semble avoir intégré désormais que la manne européenne n’arriverait pas de sitôt. “C’est la fin d’une forme de déni. Les autorités feignaient de croire que l’argent allait couler sans effort et sans condition. Ce n’est pas le cas, le pouvoir l’a compris et la colère monte chez les décideurs politiques”, selon une autre source européenne sur place.
Pour le régime du président Évariste Ndayshimiye, le Burundi est un pays souverain où règnent la paix et la sécurité. Une image fallacieuse qu’il s’efforce de garantir en multipliant les démonstrations de force dans le pays et, en particulier, à Bujumbura, où elles apparaissent plus comme une tentative d’assurer la sécurité de la caste au pouvoir (les proches du régime craignent tous l’empoisonnement ou le coup de feu mortel), suscitant colère et crainte dans les rangs de la population qui vit désormais dans une véritable psychose.
Policiers surarmés au carrefour
Les exemples sont légion à Bujumbura où tous les policiers chargés de la circulation arborent des armes de guerre, le plus souvent des AK47, tandis que chaque convoi de notables (du président au maire de la ville) est escorté par au minimum deux véhicules militaires surarmés traversant la ville toutes sirènes hurlantes, sans respecter le code de la route. Ce qui augmente le sentiment d’insécurité dans un pays de 12 millions d’âmes, qui compte 25 000 militaires (dont approximativement 7 000 sont en permanence dans de très rentables missions de paix des Nations unies) et 17 000 policiers (5 000 à 6 000 sont déployés à Bujumbura pour une population d’un million de personnes), dont 2 000 sont issus directement des milices présidentielles. Cela démontre bien que le pouvoir n’a qu’une confiance limitée dans les corps officiels de défense.
Une perception aussi confirmée par le fait que ces milices sont de plus en plus nombreuses, de mieux en mieux armées et souvent entraînées directement par des cadres de l’armée qui n’hésitent pas à traverser la frontière congolaise – sans accord officiel – pour mener ces entraînements au Sud-Kivu.
Abattu en pleine rue
Début juin, un automobiliste de Bujumbura qui faisait la file (pénurie oblige) à une station de service a été abattu parce qu’il est sorti de son véhicule pour s’expliquer avec un policier armé d’un AK47. Dans le climat de tension actuel, ce surarmement, à double tranchant, peut créer les conditions d’un embrasement populaire.
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