Une élection sans observateurs ! — La Libre Afrique

Une élection sans observateurs ! — La Libre Afrique

Le couperet est définitivement tombé ce mercredi, les responsables européens ont dû jeter l’éponge face au refus des autorités congolaises d’aurtoriser les experts à se déployer dans le pays avec leur matériel satellitaire. Lire la déclaration de l’UE qui enterre la mission d’observation

« C’était pourtant une demande congolaise », s’étonne un employé d’une institution internationale basée à Kinshasa. C’est en effet à la demande du ministre congolais des Affaires étrangères que l’Union européenne avait accepté de déployer en RDC une mission d’observation des élections à long terme.

Une quarantaine d’experts européens “long terme” étaient prévus, assistés par une vingtaine d’observateurs venus pour le scrutin, sans oublier les diplomates européens dispatchés sur le terrain le jour du vote

Les premiers Européens de cette mission étaient arrivés à Kinshasa il y a un peu plus d’une semaine. « Tous les documents demandés par les autorités congolaises ont été dûment remplis et transmis aux services compétents. Les autorités congolaises savaient pertinemment que nous avions des appareils de communication satellitaires dans nos bagages », explique un Européen. Côté congolais, le ministre de l’Intérieur et vice-Premier, Peter Kazadi expliquait encore ce mardi 28 octobre que le blocage était essentiellement d’ordre administratif, laissant entendre qu’une solution pouvait encore être trouvée.

Dissension européenne, pression internationale 

Depuis leur arrivée, les experts ont en effet été privés de leurs téléphones satellitaires, confisqués par les services de renseignement de l’ANR. Sans ces appareils, impossible de se déployer sur le terrain. Or, les experts devaient se dispatcher dans le pays aux dimensions continentales et devaient le faire rapidement (Ils devaient partir ce mardi au plus tard dans 16 provinces) sous peine de jeter le discrédit sur leur mission d’observation. « Certains experts devaient être en place pour ce mardi 28 novembre, dernière limite. Impossible de faire un monitoring de la campagne si on arrive en dernière minute », explique notre interlocuteur. Des discussions, qualifiées de vives, se sont déroulées depuis ne semaine entre les responsables de la mission européenne et les autorités congolaises. La menace européenne de plier bagage avait été évoquée clairement en fin de semaine dernière. « Mais vendredi dernier, les Européens se voulaient rassurants, ils avaient reçu des garanties qu’ils récupéreraient leurs appareils durant le week-end« .

RDC : « Silence, on triche » (acte II)

Finalement, il n’en a rien été. Lundi 27 novembre en soirée, les responsables de la mission européenne lèvent l’option d’arrêter leur mission « face à la mauvaise volonté congolaise ». Tous les membres de l’UE ne sont pas sur la même longueur d’onde. Paris et Bruxelles, notamment, se montrent frileux à l’idée de claquer la porte. La Monusco tente aussi d’infléchir la position des experts. La mission onusienne se dit convaincue que « d’ici jeudi, une solution positive pourra être trouvée ».

Mais pour les observateurs européens, ce nouveau retard est inacceptable. « Vu les contraintes liées aux déplacements dans ce pays, un éventuel feu vert le jeudi retardait en réalité la mission d’une sermaine supplémentaire »,  explique un bon connaisseur des questions logistiques en Afrique.

« L’expertise européenne était une garantie pour l’observation de ce scrutin déjà très décrié », poursuit un diplomate européen qui « ne peut que constater la mauvaise volonté des autorités congolaises. C’est très inquiétant, d’autant que ce départ se déroule au moment où des tensions vives apparaissent entre la Ceni et les catholiques. »

Dimanche dernier, le cardinal Ambongo a clairement exprimé ses doutes sur la tenue du scrutin le 20 décembre et sur la crédibilité des élections en cas de passage par les urnes. Un discours très critiqué par le patron de la Ceni, très proche du pouvoir, Denis Kadima Kazadi, qui demande à la mission d’observation des Églises catholique et protestante de se désolidariser des propos du cardinal.

« Il ne fait plus guère de doute que le pouvoir congolais préfère organiser ses élections à l’abri des regards des grandes missions d’observation. La mission européenne est particulièrement efficace. Celle mise en place par les catholiques et les protestants est peut-être un rien moins efficiente mais elle peut être présente absolument partout, ce qui est une force redoutable qui rend très compliqué toute manipulation du scrutin », explique un observateur occidental qui ajoute « ça présage mal des élections. A chaque échéance électorale, ça va de mal en pis. Il faut craindre qu’on atteigne un nouveau sommet dans les irrégularités cette fois. Vu l’impréparation et les manquements, la Ceni doit demander un report du scrutin mais le président Tshisekedi, entouré d’une cour de zélateurs effrayés, est déterminée à passer en force. On risque de vivre des moments très difficiles dans les prochaines semaines ».  

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