Six mois après le coup d’État au Niger, l’économie «fait preuve d’une résilience remarquable»
« Les sanctions n’ont pas eu les effets escomptés », constate un acteur économique nigérien, six mois jour pour jour après le coup d’État au Niger. Il y a 184 jours, le 26 juillet 2023, les militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) renversaient le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, et prenaient le pouvoir.
Très vite, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a réagi, avec des sanctions : gel des avoirs du Niger auprès de la BCÉAO, fermeture des frontières… L’objectif est clair : attaquer la junte au portefeuille et la pousser à se mettre à la table des discussions. « La situation s’est stabilisée » À l’époque, beaucoup d’observateurs s’inquiétaient de l’impact des sanctions, notamment sur la population.
Les craintes pesaient notamment sur la sécurité alimentaire dans le pays : avec la fermeture des frontières avec le Bénin, les marchandises ne pouvaient plus rentrer. Pourtant, six mois plus tard, « la situation s’est stabilisée », raconte un entrepreneur du pays. L’inflation alimentaire s’est établie autour des 7 %. Sur les étals de Niamey, le sac de riz s’échange autour des 12 000 francs CFA, contre 19 000 au mois d’août 2023.
Des prix alimentaires sont maitrisés car en réalité, le pays continue de s’approvisionner. La frontière avec le Nigéria est très poreuse : « Seules les routes goudronnées ont été fermées, mais les denrées continuent de passer », explique une source. Ainsi, le commerce de bétail, de céréales et de produits frais continue avec les commerçants nigérians. Dans ce contexte, la chute du naira, la devise nationale, a d’ailleurs permis d’alléger la note des importateurs.
Les récoltes ont également commencé au Niger et les agriculteurs s’attendent à une bonne année 2024. Des convois de « 3 000 camions » en provenance du Burkina Faso La frontière avec le Bénin, elle, reste fermée, même si les piétons peuvent passer. Ils s’arrêtent à Malanville, traversent le fleuve en pirogue avant d’être récupérés par des compagnies routières à Gaya, côté nigérien. Mais les camions, eux, restent bloqués. Une situation que dénonce Daouda Bamba, secrétaire général exécutif de l’Union des chauffeurs routiers d’Afrique de l’Ouest : « Les pertes financières pour les transporteurs ont été considérables, se lamente-t-il.
Nous demandons que la Cédéao indemnise les conducteurs et les transporteurs routiers pour que le transport puisse continuer dans la région. Nous ne sommes pas à l’origine du coup d’État, mais c’est nous qui en sommes victimes. » Pour approvisionner le pays, la junte a plutôt misé sur un nouveau corridor : quelques semaines après le coup d’État, les putschistes ont organisé des convois qui arrivent du Burkina Faso. Les camions chargés de céréales, de sucre et d’huiles végétales partent des ports de Lomé au Togo et d’Accra au Ghana, avant de passer par le Burkina.
« La semaine dernière, un convoi de 3 000 camions est arrivé à Niamey, raconte une source. Des convois comme celui-là, il y en a toutes les deux à trois semaines. » Ce nouveau corridor est essentiel pour la junte, même si, en raison de la situation dans la région, il faut les sécuriser à grand coût. Les salaires versés, des problèmes de liquidités dans les banques À Niamey, la vie continue néanmoins, presque comme avant le coup d’État. Les coupures de courant, fréquentes après l’arrêt de la fourniture d’électricité par le Nigéria, sont désormais quasi-inexistantes.
Selon plusieurs sources, les autorités se sont en partie appuyées sur la centrale photovoltaïque de Gorou-Banda, inaugurée quelques jours avant le putsch. Les sanctions n’ont également pas empêché les fonctionnaires de recevoir leurs salaires, selon Djibril Idrissa, secrétaire général de la Confédération démocratique des travailleurs du Niger (CDTN).
« Ils continuent d’être payés, certes de façon élastique parce qu’il y a un problème de liquidités qui se pose au niveau des banques. Même si le virement est fait, le paiement est échelonné sur un certain nombre de jours. » Les banques ont conservé les plafonds de retraits, qui varient selon les établissements. « Parfois, c’est 100 000 francs CFA, voire plus », raconte Djirbil Idrissa.
Des problèmes de liquidité qui obligent même certaines entreprises à adapter le temps de travail de leurs employés, tant il faut passer de temps dans les files d’attente des banques pour retirer. Le monde de l’entreprise à l’heure des sanctions Les entreprises, elles, subissent les effets des sanctions.
À Niamey, beaucoup d’employés des secteurs de l’hôtellerie et du bâtiment sont au chômage technique. « Les travaux sur les routes et d’infrastructures qui s’appuyaient sur les fonds de bailleurs internationaux sont à l’arrêt », explique Djibril Idrissa. Plusieurs pays de l’Union européenne ont en effet stoppé leurs financements au Niger. Le secteur minier fait lui aussi partie des activités qui ont souffert de la fermeture des frontières.
En septembre 2023, l’usine de la Somaïr, détenue à près de 64 % par le français Orano, a dû modifier son organisation. En raison de l’amenuisement de ses stocks de produits chimiques, le site a « anticipé ses opérations de maintenance », explique le groupe, qui précise que la situation n’a pas évolué depuis. Malgré les difficultés liées aux sanctions, la vie économique du pays se poursuit. Une situation qui pousse un économiste d’une grande institution, joint par RFI, à affirmer que « l’État nigérien a fait preuve d’une résilience remarquable ».
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