Publicité Lire la suite Un des premiers défis quand on parle de santé dans les villes, c’est la lutte contre les maladies dites « non transmissibles », comme le diabète, l’hypertension ou les maladies respiratoires. Des maladies liées en partie au mode de vie urbain : malbouffe, inactivité physique, tabac, pollution de l’air…
Aujourd’hui, ces maladies non transmissibles, qui touchaient principalement les personnes âgées, dans les pays occidentaux, explosent partout dans le monde et n’épargnent plus la jeunesse. Selon l’OMS, elles sont à l’origine de 41 millions de morts par an, 74% de l’ensemble des décès dans le monde. Et pour les villes, c’est un défi majeur à relever. Geordin Hill Lewis le maire du Cap, en Afrique du Sud, explique :
« Notre grande victoire en termes de santé publique, c’est d’avoir pratiquement vaincu la crise sanitaire liée au VIH à la fin des années 1990. Maintenant, les gens peuvent avoir une belle et une longue vie, même s’ils sont séropositifs. Mais aujourd’hui, nous affrontons une nouvelle crise sanitaire avec l’émergence des maladies non transmissibles, des maladies liées à notre mode de vie qui représentent un coût énorme pour nos finances publiques, puisque ce sont des maladies chroniques. C’est réellement l’équivalent de la crise qu’on a connu dans les années 1990. »
Afrique du Sud: la problématique des traitements contre le VIH qui favorisent l’émergence du diabète et de l’hypertension L’Afrique du Sud a été l’un des pays les plus durement touchés par le VIH/sida dès les années 1990. Selon l’Onusida, 7,7 millions de personnes sont porteuses du virus, soit près de 14% de la population. Mais le taux de mortalité a chuté de 50% grâce à l’arrivée des traitements ARV, les antirétroviraux. Aujourd’hui, on peut donc vivre correctement et longtemps avec le VIH. Mais l’allongement de la durée de vie des personnes séropositives favorise l’émergence de maladies comme le diabète ou l’hypertension. Un nouveau défi pour le système de santé sud-africain.
Natacha Berkowitz, épidémiologiste, explique : « On a constaté une augmentation des maladies non-transmissibles chez nos patients qui ont une co-infection au VIH-tuberculose. Pas seulement parce qu’ils vivent plus longtemps – ce qui est une avancée fantastique –, mais parce que certains traitements contre le VIH favorisent l’émergence de pathologies comme le diabète ou l’hypertension. » Maladie de la débauche, maladie de la honte : le sida et la tuberculose ont toujours été associés, à tort, à différents travers. Cette stigmatisation des patients a conduit à la création de structures de soins spécialisées dans ces maladies.
Natacha Berkowitz poursuit : « Le problème, c’est qu’en ce qui concerne l’accès aux soins, tout est séparé. Il y a des cliniques dédiées à la tuberculose, d’autres au VIH, donc on réoriente constamment les gens vers telle ou telle clinique. Il faut donc désormais qu’on puisse traiter le VIH et une maladie non-transmissible au même endroit. » C’est le nouveau défi du Cap et d’autres villes africaines. Le diabète et l’hypertension évoluent de façon silencieuse pendant de nombreuses années. Des malades ignorent donc leur statut, ce qui augmente inévitablement le taux de mortalité. L’accès à un diagnostic précoce puis aux traitements sont donc essentiels. Sans quoi une partie des progrès réalisés dans la lutte contre le VIH auront été vains.
Aujourd’hui, 4,4 milliards de personnes vivent dans des villes : c’est plus de la moitié de l’humanité. En 2050, 70% de la population mondiale vivra en ville. Elles sont donc en première ligne et doivent agir dans différents domaines. Quand on parle de lutte contre les maladies non transmissibles, on ne parle pas uniquement de santé, mais également de transports, de pollution, d’éducation. Et il est plus facile pour un maire d’agir et de collaborer avec ces différents secteurs. Un maire est plus proche de ses administrés et il peut renforcer des lois nationales. Dans le domaine de la santé, par exemple, de nombreux États d’Afrique de l’Ouest mènent depuis quelques années une politique de décentralisation de l’offre de soins.
Ils s’appuient sur la santé communautaire, qui est gérée par les villes. Depuis 2017, 74 villes du monde entier ont créé le partenariat ville-santé pour échanger, comparer, s’entraider dans le but d’améliorer la santé de leurs habitants. Burkina Faso: comment Ouagadougou veut s’appuyer sur la jeunesse pour faire changer les habitudes alimentaires Ouagadougou, Abidjan, Dakar et Freetown s’unissent dans la lutte contre la malbouffe, qui provoque de nombreuses maladies. Diabète, hypertension, obésité : ces pathologies explosent sur le continent. La ville de Ouagadougou souhaite donc s’appuyer sur la jeunesse pour faire changer les habitudes alimentaires. Quinze écoles primaires de la ville sont concernées. Homère Ouédraogo, directeur général des services sociaux de la ville de Ouagadougou, explique :
« La première des choses, c’est déjà de prendre conscience des dangers du sucré et du sel. Le deuxième élément, c’est amener les gens à consommer local. Chez nous, au niveau du Burkina Faso, nous avons d’autres produits vantés pour leur mérite, notamment ce que nous appelons en langue locale le soumbala, qui est un produit qui est fait à base de la graine de néré. Nous avons aussi des alternatives aux bouillons de cube industriels qui sont des épices locales. Donc, nous sommes en train de mettre l’accent sur la valorisation de ces mets locaux-là, et étendre cela à l’ensemble des écoles de la ville de Ouagadougou. » Autre piste de réflexion, la lutte contre les idées reçues, parfois tenaces.
Non, la nourriture industrielle n’est pas moins chère. Homère Ouédraogo prévient ceux qui pensent qu’une bonne alimentation reviendrait plus cher : « En réalité, c’est une impression. À long terme, ça va te revenir plus cher, parce qu’une fois que tu développes des maladies comme l’hypertension, comme le diabète, c’est à vie. Vu que nos systèmes de santé n’ont pas d’assurance maladie, ce n’est pas moins cher et à terme, cela cause énormément de déficit financier pour les familles. » Les enfants formés auront ensuite la lourde tâche d’éduquer parents et voisins aux bienfaits d’une bonne alimentation.
C’est le pari qu’a fait la ville de Ouagadougou. Maintenant, des jeunes ont facilement de l’hypertension, ont de l’insuffisance rénale. Vous imaginez une jeunesse qui est malade ? C’est un futur vraiment incertain pour le pays. C’est pour cela qu’Abidjan a décidé aussi d’agir dans le milieu scolaire et estudiantin. Nous avons d’abord fait une enquête diagnostic qui nous a révélé qu’effectivement, au niveau de nos cantines scolaires, il y avait matière à redire.
Nous avons choisi un établissement secondaire qui est typiquement féminin, et nous leur avons fait comprendre que sans le bouillon importé et en utilisant uniquement du local, on peut faire normalement à manger pour sa maison et pour son époux. Le deuxième établissement qu’on a choisi, c’est un établissement à caractère religieux, parce que vous imaginez un imam, un prêtre ou bien un pasteur acquis à votre cause.
On se dit qu’en touchant cette cible de cette manière-là, on espère en tout cas pouvoir faire changer les choses demain. Le Docteur Stéphane Djadan, Chargé de la planification et de la veille sanitaire au district autonome d’Abidjan, présente un guide des bonnes pratiques nutritionnelles et un programme d’intervention dans quatre écoles pilotes pour former cuisiniers et cantiniers Igor Strauss.
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