“Chaque cycle électoral a été marqué par les pressions du pouvoir en place pour s’assurer la victoire”, explique un observateur international installé à Kinshasa. “Mais on peut dire qu’ici, on ne semble jamais tirer les enseignements des précédents scrutins, si ce n’est pour faire chaque fois pire. 2023 ne devrait pas échapper à cette nouvelle logique congolaise”.
En point d’orgue de ce constat, l’absence plus que probable d’un audit international indépendant du fichier électoral suite au refus de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) d’accepter de se plier au calendrier de la Commission électorale nationale indépendante qui n’accordait que cinq jours aux experts pour traiter ce fichier qui devrait comprendre approximativement 50 millions d’entrées.
RDC : Pourquoi la présidentielle de 2023 est en grand danger
“C’est évidemment irréalisable et l’OIF a expliqué par courrier le 3 mai son incapacité à réaliser un travail sérieux dans ce délai. Il faut se souvenir qu’en 2018, l’audit qui avait permis de supprimer plus de 6 millions de doublons dans ce fichier avait eu besoin de trois semaines d’un travail de fourmi pour effectuer ce travail”, poursuit un habitué des processus électoraux en Afrique centrale.
L’OIF invitée par la Ceni
Un refus présenté ce jeudi comme une victoire par le Front des Congolais pour la sauvegarde de l’Intégrité territoriale de la RDC (FCSI-RDC), une structure créée il y a une semaine et qui milite pour que cet audit international indépendant ne puisse être conduit par l’OIF sous le prétexte que cette institution est dirigée depuis deux mandats par l’ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Mme Louise Mushikiwabo. “À les lire, on a le sentiment que ce serait le combat des Congolais soucieux de leur indépendance qui aurait poussé l’OIF à renoncer à ce travail, ce qui est une réécriture évidemment fallacieuse de l’histoire”, poursuit notre expert.
Dans le communiqué du jour, le FCSI-RDC poursuit en expliquant que le combat de la souveraineté de la RDC doit continuer pour que d’autres organisations étrangères qui n’ont pas dénoncé l’agression de la RDC par le Rwanda ne pensent pas combler l’ambition de l’OIF d’accéder à nos données stratégiques”. En d’autres mots, pas question qu’une autre société étrangère vienne mettre son nez dans ce fichier électoral. “Il faut bien se rendre compte que pour tenir le calendrier annoncé par le président de la Ceni Denis Kadima, il faudrait que cette éventuelle société soit en mesure d’effectuer ce travail entre le 15 et le 20 mai. Aucune société sérieuse ne peut prétendre à cet exploit”.
La sortie de la FCSI doit être lue à l’aune des tensions au sein d’une Ceni bien moins monolithique qu’il ne peut y paraître. Certains, au sein de cette commission électorale, espèrent toujours un audit qui accorderait une crédibilité supplémentaire à ce processus de plus en plus douteux. D’autres préférant passer en force en jouant la carte de la résistance patriotique pour ne pas donner accès à ce fichier à des entreprises étrangères. “Il faut se rappeler que si l’OIF s’est présentée à Kinshasa, c’est à l’invitation de Denis Kadima et que ce FCSI-RDC est sorti de nulle part quand les premières rumeurs d’un refus de l’OIF de se plier au calendrier de la Ceni sont apparues”, poursuit encore notre expert.
Y aller ou pas ?
Face à cette détermination de la Ceni et du pouvoir de Félix Thisekedi d’organiser ce scrutin coûte que coûte, une partie de l’opposition, emmenée par le FCC de l’ancien président Joseph Kabila, a depuis plusieurs semaines annoncé qu’il boycottait ce scrutin. “Participer, c’est donner de la crédibilité à cette élection qui n’est qu’une vaste mascarade”, explique un des cadres de ce parti. Pour Delly Sesanga, de passage en France cette fin de semaine, qui fut le premier homme politique à quitter la majorité de Félix Tshisekedi, “le boycott passif n’est pas une solution. C’est abandonner la scène politique à un pouvoir dont on a compris qu’il ne pourra jamais apporter la moindre once de solution pour le pays. Les irrégularités du processus électoral sont grossières, les Congolais ne sont pas dupes. C’est pour cela que le 13 mai, nous serons dans les rues de Kinshasa avec Fayulu, Katumbi, Matata et nos supporters pour montrer au pouvoir qu’on ne veut pas se faire voler une fois de plus les élections”.
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