« Op Ti Mis Te ». Le directeur du Comité national des Jeux de la Francophonie, Isidore Kwandja, n’a pas caché sa satisfaction et son optimisme lors de la conférence de presse de ce début de semaine en préambule à la grande fête qui doit débuter ce vendredi par une célébration, promise « haute en couleur et en énergie » par les plus hautes autorités de la République démocratique du Congo qui ont aussi martelé que cette grande inauguration serait gratuite, histoire d’attirer la grande foule au stade des Martyrs de la Pentecôte, la plus grande enceinte du pays qui a battu son record d’affluence le 24 juin 2023, lors du concert de Ferré Gola, une des icônes de la rumba congolaise qui a attiré plus de 120 000 personnes.
Ce rendez-vous sportivo-culturel qui a été attribué à la République démocratique du Congo a été reporté à deux reprises à cause de la pandémie mondiale de Covid-19. Il doit réunir 3 000 jeunes représentant 36 délégations sur dix jours. Mais la fête se fera sans les délégations du Grand-Duché du Luxembourg et du Québec qui ont décidé de ne pas y participer, jugeant que les conditions sécuritaires n’étaient pas remplies. La Fédération Wallonie-Bruxelles, elle, s’est contentée d’une délégation « artistique », les athlètes, dont certains préparent les Jeux Olympiques parisiens de l’été prochain, ont préféré décliner l’invitation.
La fête sous pression
Ce vendredi, pour marquer le début de ces IXes Jeux de la Francophonie, Félix Tshisekedi devrait être de la partie, lui qui a décliné en dernière minute l’invitation de Vladimir Poutine au sommet Russie – Afrique. Le président congolais a fait de ce rendez-vous un des deux grands moments de 2023, le premier étant la visite du Pape du mois de janvier. Une visite papale qui était aussi passée par ce stade des Martyrs et qui, s’il a connu une mobilisation populaire, a valu au chef de l’État et aux autorités du pays une volée de critiques du Saint-Père vis-à-vis de la gestion sociale et politique du pays. Félix Tshisekedi, qui est à moins de cinq mois des prochaines élections législatives et présidentielles, espère cette fois que la fête sera complète et sans fausse note, histoire d’envoyer enfin un message positif au monde et à sa population. Mais l’homme sait qu’il n’est pas à l’abri des mouvements d’humeur d’une population plongée dans des difficultés sociales quotidiennes abyssales. Une foule qui a régulièrement profité de ce genre de rendez-vous pour critiquer publiquement le pouvoir en place.
Sans la secrétaire générale de la Francophonie
La fête se déroulera sans la présence de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda qui a préféré décliner l’invitation – très diplomatique – lancée en dernière minute par Kinshasa dans un contexte de tensions exacerbées entre les deux pays voisins. L’OIF et la RDC sortent aussi d’un récent bras de fer autour de l’audit du fichier électoral. L’organisation internationale, qui dispose d’une expertise reconnue dans cet exercice, a été contrainte de renoncer en dernière minute et à contrecœur à cet audit essentiel pour la crédibilité du processus électoral. La Ceni, chargée d’organiser les prochains scrutins, ne laissait que 5 jours pour cet audit, ce qui s’apparentait à une gageure pour les experts qui avaient eu besoin de quatre fois plus de temps en 2018, sans oublier les critiques qui ont été émises contre l’OIF et sa présidente rwandaise, suspectée de pouvoir utiliser ce fichier à des fins d’espionnage. Dans ce contexte, l’absence de la secrétaire générale de l’OIF prend évidemment une autre dimension.
Course contre la montre
En début de semaine, les autorités congolaises ont martelé que tout était fin prêt. Zeina Mina, ancienne athlète olympique du Liban, devenue directrice du Comité des Jeux de la Francophonie, a expliqué lors d’une conférence de presse tenue à Kinshasa que les « infrastructures sont de qualité et prêtes à accueillir les épreuves », avant de remercier les autorités congolaises pour les « efforts de construction et de rénovation des différents sites sportifs et culturels ».
« Le Congo n’a jamais autant investi sur le sport depuis les indépendances« , a expliqué de son côté le ministre congolais de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. Le directeur du Comité national des Jeux de la Francophonie, Isidore Kwandja avait évoqué il y a quelques semaines la somme de 66 millions d’euros investis dans les infrastructures, la logistique et la sécurité de ces jeux.
Défis sécuritaires
Le défi sécuritaire est un enjeu majeur de ce rendez-vous. Des milliers de policiers ont été formés grâce à l’appui de l’OIF et seront mobilisés pour la sécurité des athlètes et des sites. Dans cette mégalopole surchauffée, marquée ces dernières semaines par une série d’enlèvements, d’arrestations, mais aussi par l’assassinat du député et porte-parole du principal parti d’opposition, Chérubin Okende, dont le corps a été retrouvé criblé de balles le 13 juillet dernier, la tension est palpable et entretenue par les coupures d’électricité et l’approvisionnement erratique en eau, sans oublier la faim de dizaines de milliers de Kinois sans emploi, incapables de faire face aux hausses des prix de ces derniers mois. « On a faim à Kinshasa », nous disait l’an dernier une mère de famille de la commune de Limete, qui, contactée en début de semaine, insistait sur « l’explosion de la pauvreté au centre même de la ville ». Avant d’ajouter : « Sécuriser les sites dix jours, c’est bien, mais assurer la vie des Kinois toute l’année serait le vrai défi du pouvoir. »
Sur les sites, malgré les reports, les ouvriers s’affairaient encore en début de semaine. Les premières délégations arrivées ont souligné les soucis de certains centres d’accueil et les difficultés de déplacement dans une ville de plus de 15 millions d’âmes où les embouteillages sont une épreuve olympique.
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