« Deux avions de chasse viennent de bombarder Tchanzu et Runyoni », dans des collines proches de la frontière ougandaise, explique un habitant de Bunagana, ville occupée depuis plus de quatre mois par les rebelles du M23, avant d’ajouter : « Ici, la population a peur, elle fuit vers l’Ouganda, c’est le sauve-qui-peut. » « Depuis ce matin, nos avions ont commencé à bombarder la colline de Tchanzu et ses environs. Cela va durer toute la journée », confirme sous couvert d’anonymat une source sécuritaire, précisant que lundi, quand un Sukhoï congolais a, notamment, atterri par erreur au Rwanda, « c’était des vols de reconnaissance » et l’identification des cibles.
Selon cette source, des combats au sol ont par ailleurs été engagés vers Rugari, à environ 30 km au nord de Goma, où les hommes du M23 ont enregistré quelques succès ces derniers jours.
Cap sur Goma ?
D’autres témoignages en provenance de Goma font état du survol des deux avions Sukhoï-25 et de deux hélicoptères de l’armée congolaise. « La tension est très forte. On a peur. On ne sait à quoi s’attendre », explique Esther, une commerçante de Goma qui s’inquiète de l’évolution de la situation dans les prochains jours. « On ne sait pas si les rebelles continuent à avancer vers la ville. Les témoignages sont contradictoires. L’aéroport peut évidemment devenir une de leurs prochaines cibles pour éviter les bombardements. »
Le major Willy Ngoma, porte-parole militaire du M23 contacté ce mardi soir, n’exclut pas cette possibilité. « Les frappes aériennes sur nos positions ont commencé ce mardi à 9h58 à Tchanzu. Il y a des victimes civiles, du bétail a aussi péri. C’est une attaque délibérée des autorités congolaises pour contraindre une nouvelle fois la population, qui revenait massivement dans les zones que nous contrôlons, à fuir. Kinshasa veut créer un mouvement de terreur. Dans ce contexte, nous devons penser à nous protéger et à protéger la population civile. Nous devons donc aller là où sont ces armes pour les empêcher de poursuivre leurs attaques. C’est de la légitime défense. » S’il ne prononce pas les mots, il paraît évident que l’aéroport de Goma est désormais la cible privilégiée des rebelles du M23.
Négociations au point mort
Dans ce contexte d’affrontements, les appels au retour à la table des négociations des rebelles, qui ont repris leur offensive depuis le 20 octobre, après plusieurs semaines d’accalmie, paraissent compromis. Pourtant, la semaine dernière, dans un même élan, les Nations unies, l’Union africaine et les chefs d’État des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est avaient appelé à une reprise du dialogue lancé à Nairobi avec tous les groupes rebelles de l’est de la RDC, y compris le M23, écarté par Kinshasa.
Un retour à la table des négociations que n’exclut officiellement pas le M23. « Nous sommes toujours pour le dialogue », poursuit le major Ngoma. Un dialogue difficile, voire impossible, pour Kinshasa, qui considère la rébellion du M23 comme un mouvement « terroriste ».
L’appel à la mobilisation populaire lancé la semaine dernière par le président Tshisekedi face à ce mouvement finit d’enterrer cette possibilité d’une prochaine négociation. « La population est chauffée à blanc contre le M23 et, même si ce n’est pas dit, même s’il y a des appels à ne pas assimiler tous les Tutsis à ces rebelles, on sent que la tension monte tous les jours dans la population. Le pouvoir souffle sur les braises. C’est très difficile, voire impossible, aujourd’hui de tenir un discours objectif et un peu dépassionné », explique un membre de l’opposition politique qui a demandé à conserver l’anonymat.
« Avec son positionnement de chef de guerre, le président Tshisekedi a coincé toute la classe politique », enchaîne un député de la majorité. « C’est machiavélique, mais il engrange des points. Plus personne ne parle des élections de 2023. Le souci, c’est qu’il faudra malgré tout sortir de cette guerre et que notre armée ne paraît pas être en mesure de la gagner si elle n’est pas mieux équipée. La mobilisation des jeunes, c’est du populisme. Si on n’a pas les moyens de donner des armes efficaces aux troupes actuelles, comment voulez-vous armer ces nouvelles recrues ? »
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