Nouvelle vie dans le bassin du Congo : une décennie de découverte d’espèces

C’est un paradoxe : la majorité d’entre elles sont connues depuis des générations par les communautés locales mais leur notoriété n’a jamais dépassé les frontières. Il en va ainsi du lesula, une espèce de singe, qui vit dans le parc de Lomami en République démocratique du Congo (RDC).

Ses riverains le fréquentent et le chassent pour sa viande mais la communauté scientifique le découvre et commence à peine à décrire ses yeux semblables aux nôtres et ses fesses bleues. « Bien sûr, les gens sur place connaissent les animaux et leurs habitats. Mais c’est beaucoup moins vrai par le monde international », explique Jaap van der Waarde, responsable de la conservation du bassin du Congo au WWF International.

« Il y a des scientifiques qui viennent dans la région et publient leurs recherches dans les journaux scientifiques. Mais ce n’est pas toujours très accessible. Nous avons donc pris l’initiative de recenser ces découvertes et les présenter au plus grand nombre. »

Le Fonds mondial pour la nature (World Wild Fund – WWF) a donc contacté des centaines de scientifiques d’instituts et universités du monde entier pour réaliser cet inventaire :  « Nouvelle vie dans le bassin du Congo : une décennie de découverte d’espèces (2013-2023) » .

« Des ‘hotspots’ incroyable de diversité » À la lecture des 80 pages de ce rapport, on fera ainsi la connaissance de 430 nouvelles espèces de plantes, 140 invertébrés, 96 poissons, 22 amphibiens, 2 oiseaux et 10 mammifères, vivant dans les 6 pays qui forment le bassin du Congo : le Cameroun, la République centrafricaine (RCA), la RDC, la Guinée équatoriale, le Gabon, et la République du Congo.

On croisera le singe Lesula, donc, première nouvelle espèce de singe décrite depuis 1984, mais également Afrodiaphanes Pulcher, une luciole centrafricaine, L’Empereur Porte-Epée, une libellule congolaise. Les poissons ne sont pas en reste : au Gabon, Aphyosemion aurantiacum brille de mille feux avec ses écailles d’un bleu iridescent et sa queue et ses nageoires d’un orange intense.

Aussi, 22 nouvelles grenouilles peuvent désormais être ajoutées aux manuels de biologie du monde entier, ainsi qu’une nouvelle espèce de crocodile, Mesistops leptorhynchus ou crocodile à museau fin d’Afrique centrale. « Les forêts tropicales du bassin du Congo sont des ‘hotspots’ incroyable de diversité, mais elles sont également sous une grande menace de destruction de l’habitat », explique le chercheur Julian Kerbis Peterhans, cité dans le rapport.

« Nous soupçonnons que des dizaines de nouvelles espèces attendent d’être découvertes. Ces dernières sont essentielles pour une conservation éclairée des forêts tropicales du Congo ». « On ne peut protéger que les choses que l’on connaît », abonde Jaap van der Waarde.

« C’est important de les connaître, de les compter, de connaître leur rôle dans l’écosystème, de savoir si elles sont ou non en danger. » De fait, le biologiste suppose, comme de nombreux autres, que de nombreuses espèces se sont éteintes avant même de les avoir rencontrées.

« C’est la réalité du monde actuel. Avec le WWF, nous publions tous les deux ans le rapport ‘Planète vivante’. Le dernier a révélé que les populations animales ont diminué de 70 %. Dedans, il y a forcément des espèces qui ne sont plus sur cette planète ».

C’est le cas d’une espèce de café dénichée par Piet Stoffelen, du jardin botanique de Meise en Belgique. Elle avait été prélevée dans les années 1980 dans les forêts du bassin du Congo et est restée inconnue durant des décennies, jusqu’au lancement des travaux de ce rapport et s’est entre temps éteinte. « C’est à cause de la déforestation », explique Piet Stoffelen.

« Le café est une plante typique des sous-bois, et cette espèce venait du sud-est du Cameroun, où la déforestation est très importante. ». Pressions environnementales majeures C’est pour cette raison que toute la dernière partie du rapport est consacrée aux menaces qui pèse sur le deuxième poumon de la planète et sur les moyens à mettre en œuvre pour le protéger.

Le bassin du Congo est en effet confronté à des pressions environnementales majeures : la déforestation donc, mais également l’exploitation minière, le braconnage et les conséquences du changement climatique. S’il n’y a pas besoin de raison pour s’abstenir de préserver un écosystème et les espèces qu’il abrite, la biodiversité congolaise peut également rendre des services aux communautés : 75 millions de personnes en dépendent pour se nourrir ou se loger.

C’est également une part majeure de leur patrimoine culturel. Piet Stoffelen reprend l’exemple du café : « à cause du changement climatique, sa culture est menacée. Mais on peut s’adapter, notamment avec les espèces qu’on trouve dans les forêts sauvages. Ceux qu’on trouve dans le bassin du Congo, leurs ressources génétiques, sont très bien adaptées aux sols pauvres.

Plus que celles qui viennent d’Afrique de l’Ouest. On peut améliorer les cultures existantes, l’adapter à des conditions moins favorables et aider les cultivateurs. » Pour cela, encore faut-il que les espèces endémiques du bassin du Congo soient conservées. Les solutions sont connues : agroforesterie, implication des communautés locales, lutte contre le braconnage… Jaap van der Waarde met également en avant la certification FSC du bois de coupe :

« Seuls 10 % du bois qui vient du bassin est certifié. On sait pourtant que cela fonctionne. Un article paru dans la revue  Nature montrait que les forêts certifiées et exploitées de façon durables accueille beaucoup plus de grands mammifères que les autres, et un écosystème favorable aux grands animaux l’est pour tous les autres. »

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