Depuis des années, l’ambiance est pour le moins tendue entre Kigali et Pretoria.
Des tensions qui ont notamment poussé les Sud-Africains à rappeler leur ambassadeur au Rwanda en 2018 après une brouille diplomatique liée aux tentatives d’assassinat sur le sol sud-africain contre l’ancien chef d’état-major rwandais et opposant, Kayumba Nyamwasa. En 2020, Pretoria renverra un ambassadeur à Kigali mais la sérénité n’est toujours pas au programme entre les deux États.
C’est cette méfiance qui va pousser l’Afrique du Sud à s’engager dans la crise du Mozambique à la mi-juillet alors que le président local, Filipe Nyusi, fait appel aux troupes rwandaises pour l’aider face à l’insurrection islamiste qui ne cesse de progresser dans le nord du pays, dans la province du Cabo Delgado.
Si le président Nyusi n’est pas immédiatement preneur, son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa n’entend pas rester les bras croisés. Il menace même d’intervenir sans l’aval de son voisin.
Finalement, une force régionale, la “Samim” (mission de l’Afrique australe au Mozambique), sera mise sur pied. Elle compte 3 000 hommes venus de huit pays de la Communauté des États de l’Afrique australe (SADC – Angola, Botswana, RDC, Lesotho, Malawi, Afrique du Sud, Tanzanie et Zambie).
Le contingent de la Samim tente donc de repousser les offensives des Shebabs, celui du Rwanda, fort de 2 000 hommes, s’y emploie aussi mais sans réelle coordination entre les deux “intervenants”.
Jusqu’à récemment, le Mozambique semblait surtout compter sur le savoir-faire rwandais pour éradiquer le danger islamiste. Mais aujourd’hui, alors que 13 des 15 districts de la province du Cabo Delgado sont touchés par le mouvement terroriste, le président Nyusi se lance dans un mouvement de rapprochement avec l’Afrique du Sud. Un mouvement qui n’a pas échappé au président rwandais Paul Kagame qui s’est rendu le 28 octobre dernier à Maputo pour affirmer sa détermination et celle de ses hommes dans cette lutte.
Message bien reçu par le chef de l’État mozambicain… qui a conservé le cap et poursuivi son rapprochement avec les Sud-Africains.
Un petit goût de revanche pour ceux-ci qui ne digèrent pas l’interventionnisme rwandais en Afrique australe qu’ils considèrent comme leur chasse gardée.
Manque de moyens
Le réchauffement des relations avec Maputo ravit Cyril Ramaphosa qui, sous tension en interne, n’a pas les moyens d’accroître son investissement en hommes et en matériel au Mozambique.
Engagée à la fois dans l’est de la République démocratique du Congo et au sein de la Samim, l’Afrique du Sud n’a toujours pas réussi à envoyer les 1 500 soldats qu’elle s’était engagée à mettre à disposition. Seuls 1 200 combattants sont actuellement déployés au Mozambique, et ils manquent d’hélicoptères pour être projetés rapidement lors des attaques des insurgés.
Paris pointé du doigt
Dans ce climat, les Sud-Africains ne cachent pas leur frustration à l’égard de la France qu’ils considèrent comme les “principaux sponsors” des troupes rwandaises. Pour Pretoria, si Kigali peut jouer les gendarmes dans son pré carré, c’est grâce au soutien français qui cherche à protéger les immenses intérêts (gaz liquéfié) de TotalEnergies dans le Cabo Delgado et qui est parvenu à mobiliser l’Union européenne qui finance à hauteur de 20 millions d’euros l’intervention des hommes de Kigali au Mozambique.
Dans ce contexte, la force régionale aimerait que l’Union européenne l’aide aussi plus concrètement et lève aussi les dernières sanctions qui pèsent sur un des habituels gendarmes de l’Afrique australe : le Zimbabwe. Aujourd’hui militairement affaibli par des sanctions internationales vieilles de 10 ans (prises sous le régime Mugabe), le Zimbabwe, qui dispose d’une armée aguerrie et qui connaît le terrain du nord du Mozambique, aimerait jouer un rôle plus actif. Ses voisins de la SADC le souhaitent aussi et face à l’avancée continue des Shebabs, ce “coup de main” du voisin zimbabwéen serait un plus indéniable.
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