Les récents bouleversements en Syrie exacerbent les tensions entre deux puissances régionales, posant le spectre d’un conflit direct.
Les relations déjà tumultueuses entre Israël et la Turquie entrent dans une nouvelle phase de turbulences, alors que les deux pays se trouvent de plus en plus en désaccord sur le théâtre syrien.
Avec la chute récente du régime de Bachar al-Assad et la lutte pour le contrôle de la Syrie, ces puissances se retrouvent dans des positions antagonistes, alimentant un risque inédit de confrontation militaire.
Une animosité historique qui refait surface
La tension entre Israël et la Turquie n’est pas nouvelle. Depuis plus d’une décennie, les deux pays traversent des crises diplomatiques récurrentes. En 2010, l’incident de la flottille pour Gaza a marqué un point bas dans leurs relations, avec la mort de 10 citoyens turcs.
Les accusations mutuelles entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, oscillant entre antisémitisme et soutien au terrorisme, n’ont fait qu’intensifier les fractures.
Ces dernières années, des tentatives sporadiques de réconciliation, comme la visite du président israélien Isaac Herzog à Ankara en 2022, n’ont pas suffi à apaiser durablement les tensions.
La guerre en cours entre Israël et le Hamas a encore aggravé la situation, Erdogan annonçant la rupture totale des relations diplomatiques avec Israël après avoir accusé l’État hébreu de génocide à Gaza.
La Syrie, un nouveau champ de bataille
La chute du régime de Bachar al-Assad a laissé un vide que des acteurs régionaux, dont la Turquie et Israël, cherchent à combler. Erdogan vise à renforcer son influence en Syrie en soutenant les groupes islamistes rebelles et en écrasant les aspirations kurdes à l’indépendance.
Israël, de son côté, maintient des liens discrets mais stratégiques avec les Kurdes, considérés comme des alliés potentiels face à l’Iran.
Les deux pays ont maintenant des troupes présentes en Syrie, bien que dans des zones différentes. Cette proximité géographique accrue, combinée à des intérêts conflictuels, augmente la probabilité d’incidents ou de confrontations directes.
« Une confrontation militaire entre la Turquie et Israël serait sans précédent », avertit le professeur Efrat Aviv, expert sur la Turquie. « C’est une possibilité qui ne peut être ignorée. »
Les ambitions d’Erdogan et les préoccupations d’Israël
Erdogan cherche à remodeler la Syrie à son avantage, notamment en investissant massivement dans les zones kurdes pour ancrer une influence pro-turque.
Cela contraste fortement avec la politique d’Israël, qui vise à empêcher toute domination iranienne dans la région, même au prix d’une confrontation avec la Turquie.
Pour Israël, la sécurité nationale reste primordiale. Les responsables israéliens ont déjà averti qu’ils ne permettraient pas aux proxys iraniens de revenir à leurs frontières nord, que ce soit au Liban ou en Syrie. «
Israël ne peut pas tolérer une présence iranienne à ses frontières, même si cela signifie une confrontation avec la Turquie », insiste Aviv.
La dimension interne des tensions turques
En Turquie, les politiques d’Erdogan envers Israël sont également influencées par des dynamiques internes. Selon Aviv, Erdogan est soumis à une pression croissante de la part des islamistes et de l’opposition, ce qui le pousse à adopter une rhétorique et des actions plus dures contre Israël.
Cette posture, bien qu’en partie stratégique, contribue à nourrir un sentiment anti-israélien profondément enraciné dans la société turque.
Vers un avenir incertain
Malgré ces tensions, les relations diplomatiques entre les deux pays ne sont pas totalement rompues. Pour la Turquie, maintenir un lien avec Israël est crucial pour conserver un accès aux territoires palestiniens.
Pour Israël, éviter une nouvelle inimitié régionale est tout aussi important dans un environnement déjà hostile.
Cependant, les développements récents en Syrie et l’escalade des discours des deux côtés rendent une amélioration des relations improbable tant qu’Erdogan reste au pouvoir.
Comme l’explique le Dr. Hay Eytan Cohen Yanarocak, « Pour Israël, avoir un ennemi de plus n’est pas une option, mais les tensions avec la Turquie pourraient continuer à s’aggraver. »
Une région au bord de l’explosion
Alors que le Moyen-Orient continue de se transformer rapidement, la rivalité entre Israël et la Turquie illustre les défis croissants de la région.
La Syrie, autrefois un terrain relativement calme pour Israël, est devenue un nouveau front où des intérêts divergents pourraient déclencher des confrontations imprévues.
Si un conflit direct entre Israël et la Turquie reste à éviter, la possibilité de nouvelles crises est bien réelle dans ce climat d’incertitude et de rivalités exacerbées.
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