« Ils ont subi des actes de torture dont j’ai la liste et qui sont inacceptables ! » Me François Zimeray monte au créneau pour défendre ses clients Sylvia et Nourredin Bongo. « Sylvia et Noureddin Bongo subissent des traitements cruels, inhumains et dégradants. »
L’avocat dénonce le viol de nombreuses conventions des droits de l’homme dont le Gabon est signataire. Il ne demande pas de traitement de faveur, mais simplement qu’on respecte « la présomption d’innocence », « leur intégrité », et « la dignité humaine », dit-il.
Par décence, dit-il, l’avocat n’a toutefois pas souhaité donner de détails sur ces mauvais traitements que ses clients subiraient. « Ce sont de pures allégations pour créer un choc médiatique. Ces accusations n’ont aucun sens. Nous n’avons aucun intérêt à les maltraiter », répond une source judiciaire.
En tout cas, la situation des Bongo reste en partie entourée de mystère puisque jusqu’à présent, aucun avocat ou membre de leur famille n’a pu leur rendre visite en prison. Me François Zimeray est venu de France à deux reprises en décembre pour tenter de les voir. La première fois, il n’a même pas été autorisé à quitter l’aéroport de Libreville. La seconde fois, aucune visite n’a été accordée.
Un avocat gabonais avait obtenu des permis de communiquer de la justice, soit le document officiel qui permet les visites, mais chaque fois, il a été empêché d’accéder à ses clients, « sans qu’une raison officielle ne soit donnée », confie une bonne source. Isolement En tout cas, selon divers interlocuteurs, les régimes de détention de la mère et du fils diffèrent.
Sylvia Bongo a été incarcérée en octobre à la maison d’arrêt des femmes. Un bâtiment moderne, réhabilité il y a deux ans. Ironie du sort, c’est la fondation de l’ex-première dame qui avait aidé à financer le chantier. Or, voyant arriver cette prisonnière pas comme les autres, la prison s’est préparée à la recevoir. « Son lit et son matelas sont neufs.
Les peintures ont été refaites.
Elle n’a jamais été mise dans une situation dégradante », confie une source officielle. Une aile de l’infrastructure a même été spécialement aménagée. Selon son entourage, sa sœur préparerait régulièrement à manger et un militaire viendrait récupérer la nourriture pour l’apporter dans la cellule de Sylvia Bongo. « Elle passe son temps à nettoyer son espace, ça l’occupe », confie une bonne source.
Comme elle est franco-gabonaise, le ministère de la Justice a autorisé les visites consulaires, elle a donc pu rencontrer des représentants de l’ambassade de France. Des soins lui sont également apportés. Selon un connaisseur du dossier, elle a récemment été atteinte d’une grippe doublée d’une crise de paludisme. Un médecin est donc venu pour l’examiner. « Elle dispose des meilleures conditions de détention possibles dans un tel endroit », confie un bon connaisseur de la maison d’arrêt.
Néanmoins, depuis son emprisonnement en octobre, aucun avocat ou membre de sa famille n’a pu la voir à la prison centrale. Toutefois, à quelques reprises, certains ont pu passer un peu de temps avec elle, notamment lors de convocations chez la juge d’instruction. « Elle a dit qu’elle supportait mal sa détention. Apparemment, elle n’arrête pas de pleurer », indique quelqu’un de l’entourage.
Crises d’angoisse Le régime d’incarcération de Noureddin Bongo est quant à lui plus sévère. Tout comme sa mère, lui non plus n’a pas pu recevoir la visite de proches ou d’avocats depuis sa mise en détention en septembre. « Lui aussi a pu voir un de ses avocats en de rares occasions, notamment lors de convocations par la justice. Mais là encore, c’est compliqué, la garde pénitentiaire empêche qu’on l’approche », confie-t-on dans son entourage.
Un de ses conseils ajoute que certaines convocations ne seraient pas honorées car les autorités pénitentiaires refuseraient que Noureddin Bongo sorte de la maison d’arrêt. « La procureure ne maîtrise rien du tout. Ce sont les militaires qui ont le contrôle », estime un bon connaisseur du dossier. Au quotidien à la prison centrale, le fils Bongo serait « au régime sec ».
Selon un bon connaisseur des lieux, le fils Bongo vivrait dans un isolement quasi-total, à l’intérieur d’une cellule individuelle spartiate avec des WC à la turque. Sa porte ne s’ouvrirait que de rares fois pour vider la poubelle ou apporter le repas. Une source officielle toutefois nuance. « Il a des contacts avec des détenus de temps à autre, même si ça reste limité. Lui aussi a eu une visite consulaire et médicale puisqu’il a eu des problèmes d’estomac.
Mais il n’est pas enfermé 24h/24 », assure cet interlocuteur. Comme sa mère, Noureddin Bongo supporterait mal la détention. « Il a des crises d’angoisse. Une fois, il se sentait tellement mal qu’il a cogné à la porte. Les matons ont ouvert et l’ont mis dans un quartier encore plus dur, car soi-disant, il aurait cogné trop fort », indique un membre de son entourage.
Pour calmer ses nerfs, Noureddin Bongo ferait donc des exercices physiques et notamment des pompes dans sa cellule, selon un proche, ajoutant que des tentatives pour lui faire parvenir des médicaments ou des repas avaient échoué. Raisons de sécurité Une source judiciaire explique que l’isolement des Bongo est nécessaire « pour des raisons de sécurité ». « Il s’agit d’un dossier sensible et leur profil est évidemment spécial.
Nous devons les protéger des autres », confie cet interlocuteur. En effet, les autorités pénitentiaires craignent que leur profil sulfureux puisse les mettre en danger s’ils étaient mélangés avec le reste des détenus. « Ce qui importe c’est leur sécurité. Car si jamais un problème survient, que quelqu’un s’en prend à eux, les gens vont tout de suite crier au complot », indique ce connaisseur du dossier.
Quant aux violations des droits, que ce soit visites des avocats ou des proches, un officiel reconnaît qu’il y a pu y avoir des « excès de zèle de certains agents, notamment parce que c’est un dossier délicat. Il y a parfois des incompréhensions sans volonté pour autant de les couper d’une défense. Mais il faut à tout prix protéger l’enquête, c’est certain », indique ce proche des autorités. Mais l’affaire va plus loin et conserve une part d’ombre.
Selon plusieurs sources, Sylvia et Noureddin Bongo auraient été sortis de leurs cellules à plusieurs reprises. Des militaires seraient venus les chercher pour les emmener dans une résidence proche de la présidence afin de les interroger. « Cela peut durer plusieurs jours, donc les deux prisonniers dorment en dehors de la prison.
Cette pratique n’est absolument pas légale mais elle a déjà été observée dans le passé, notamment dans des grandes opérations anti-corruption », confie un avocat. Selon un défenseur des droits de l’homme, la direction générale des services spéciaux serait à la manœuvre. Mais dans l’entourage des Bongo, on va plus loin.
Sylvia et Noureddin seraient non seulement interrogés, mais aussi contraints de céder leurs biens. « Les militaires et des notaires sont là. Ils les forcent à signer des actes », indique une source bien informée. Ainsi des comptes bancaires à la BGFI auraient été vidés. La propriété dite « Palmeraie » aurait également été cédée. Ali Bongo avait hérité de cette résidence à la mort de son père. Il l’avait donné à son fils Noureddin qui y vivait avec sa famille jusqu’au coup d’État du 30 août.
« On les force à se dépouiller de tous leurs biens », réagit une amie de la famille, qui précise que Sylvia Bongo ne peut plus payer ses employés, les chèques étant refusés à la banque. « La famille ne s’accroche pas au pouvoir ni à son patrimoine. Mais il y a une différence entre restitution et spoliation. C’est comme si on leur mettait un revolver sur la tempe. Que deviennent ces biens ? Qui en bénéficie ? Dans quel cadre ? », s’interroge un proche. Vengeance Les avocats de Sylvia et Noureddin Bongo ont fait une demande de liberté provisoire. Elle a été rejetée en première instance et en appel. La procédure est maintenant au niveau de la cour de cassation. Déjà, un avocat promet qu’en cas de nouvel échec, le dossier sera porté devant la Cour africaine des droits de l’Homme.
Côté enquête, des saisies avaient déjà été opérées il y a plusieurs mois, concernant des biens mobiliers, de l’argent, des voitures. « L’instruction est longue. L’enquête se passe au Gabon et à l’étranger. Les faits sont patents, évidents. Mais il faut les étayer. Il faut des preuves. Ça prend beaucoup de temps », confie un proche de l’enquête.
Du côté des Bongo, certains proches estiment que le traitement de Sylvia et Noureddin démontrent un esprit de « vengeance » du pouvoir. « C’est de la méchanceté. Même les terroristes ont le droit de voir leurs familles et leurs avocats », confie-t-on dans l’entourage. En tout cas, cette situation pourrait se prolonger dans le temps puisque selon le droit gabonais, une instruction peut durer jusqu’à 18 mois.
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