D’autres rencontres doivent encore avoir lieu, mais l’objectif affiché est bien de lutter de manière conjointe contre les régimes putschistes au pouvoir au Mali et au Niger. Ces derniers ont eux-mêmes déjà créé leur Alliance des États du Sahel (AES), avec le Burkina.
Sur quelles bases historiques s’effectue ce rapprochement des mouvements rebelles ? Quelle effectivité réelle sur le terrain ? Le « pacte d’assistance mutuelle » n’a pas encore été formellement conclu, mais les rebelles maliens du CSP – majoritairement touareg et arabes – et nigériens du FPL – majoritairement toubous -, affichent ouvertement leur volonté de collaborer.
« Il y a eu historiquement, dès les années 1990, des rapprochements réguliers des mouvements rebelles au Sahel, et notamment entre le nord du Mali et le nord du Niger, rappelle Yvan Guichaoua, chercheur associé à l’Université de Kent spécialiste du Sahel. Ce n’est pas quelque chose de nouveau dans cet espace assez intégré où les armes et les hommes armés circulent assez facilement. Donc il y a des connaissances mutuelles, mais cela ne veut pas nécessairement dire des agendas communs ni une mutualisation des moyens très poussée. », ajoute-t-il.
« Communication politique » Peut-on s’attendre à ce que cette collaboration annoncée entre le CSP et le FPL se concrétise sur le terrain, militairement ? « Sans doute pas à travers un front commun, tempère Yvan Guchaoua, mais peut-être à travers des échanges d’armes ou des mises à disposition de moyens temporaires. Mais ce sont des groupes qui ont des aires géographiques d’opération qui sont quand même très distantes l’une de l’autre, et qui ont des agendas assez différents. Pour moi, l’exercice est essentiellement un exercice de communication politique. »
Leurs terrains d’action respectifs – nord du Mali et est du Niger – sont très éloignés et leurs revendications distinctes. Le CSP, composé de groupes qui ont longtemps revendiqué l’indépendance du nord du Mali – désigné sous le terme d’Azawad -, entend aujourd’hui défendre les populations face aux autorités maliennes de transition. Celles-ci ont rompu l’accord de paix de 2015 et mènent depuis des opérations qualifiées d’« antiterroristes » qui font régulièrement des victimes civiles.
Au Niger, le FPL demande la « libération » du président déchu Mohamed Bazoum et le « rétablissement de la légalité constitutionnelle » ou encore une meilleure distribution de la manne pétrolière. Ennemis communs Mais les autorités du Mali et du Niger, en créant avec le Burkina l’AES il y a un an et sur la base d’une collaboration militaire, ont aussi créé une opportunité de rapprochement pour les rébellions actives dans ces pays.
« Je vois une sorte de rapprochement politique, analyse encore le chercheur Yvan Guichaoua. Dans le sens où ils ont des ennemis communs : ces États putschistes du Mali et du Niger. Il y a un intérêt politique aussi du côté du CSP qui est souvent accusé de se rapprocher des mouvements jihadistes, de s’afficher avec des acteurs qui disent combattre pour le retour à la démocratie. »
Sur le terrain, les rebelles du CSP ont été délogés en novembre dernier de leur fief de Kidal, par l’armée malienne et ses supplétifs de Wagner. Depuis, le CSP n’a connu qu’une seule – mais importante – victoire, fin juillet, à Tinzaouatène. Du côté du FPL nigérien, créé il y a tout juste un an, après le coup d’État, les moyens semblent plus limités, mais le pouvoir de nuisance réel, comme en témoigne le sabotage d’un oléoduc, en juin dernier.
Reste à voir quelle forme et quelle envergure pourrait concrètement prendre leur collaboration future sur le plan militaire. Les autorités en place à Bamako et Niamey n’ont, à ce stade, pas réagi officiellement à cette annonce.
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