L’arrêt du tribunal de première instance de Madrid, consulté jeudi par l’AFP, estime que ce journaliste ne s’est pas « vanté » d’avoir été victime d’un acte d’espionnage de la part des autorités marocaines, comme l’affirmait la plainte de celles-ci, et rejette les demandes du royaume chérifien.
Interrogé par l’AFP, le cabinet de l’avocat du royaume, Me Ernesto Díaz-Bastien, un ténor du barreau madrilène, a indiqué qu’il comptait faire appel.
Ce procès, intenté par les autorités marocaines à Ignacio Cembrero, 68 ans, constituait un nouvel épisode de « l’affaire Pegasus », dont l’origine est la publication en juillet 2021 par un consortium de 17 médias internationaux d’une enquête révélant que quelque 50.000 personnalités à travers le monde avaient pu être espionnées par des gouvernements, parmi lesquels celui du Maroc, au moyen de ce logiciel espion.
Conçu par la société israélienne NSO Group, ce logiciel, qui a été vendu à de nombreux pays, permet d’accéder aux messageries, aux données ou encore d’activer à distance la caméra et le micro d’un smartphone.
Parmi les 180 journalistes sur cette liste des cibles possibles de Pegasus figurait un Espagnol, M. Cembrero, un journaliste qui écrit sur le Maghreb depuis plus de 20 ans et est considéré comme un expert du Maroc, pays avec lequel il a plusieurs fois eu maille à partir. Il écrit pour le site internet d’information El Confidencial.
Depuis 2021, il a affirmé à plusieurs reprises, dans des interviews et en novembre dernier devant une commission du Parlement européen, qu’il était convaincu que le Maroc était responsable du piratage de son téléphone, tout en admettant ne pas en avoir la preuve.
– « Action de vantardise » –
Comme il l’a également fait en France – où il avait poursuivi en diffamation des médias l’ayant accusé d’avoir utilisé Pegasus pour espionner des hommes politiques, dont le président Emmanuel Macron, et des journalistes, mais où ses plaintes ont été déclarées irrecevables par la justice -, le Maroc a alors décidé de l’attaquer en justice.
Les autorités marocaines ont toujours affirmé n’avoir jamais disposé du logiciel Pegasus.
Devant la justice espagnole, les avocats du royaume avaient choisi de recourir à une vieille disposition légale datant du Moyen Age et tombée en désuétude, accusant M. Cembrero de s’être rendu coupable d’une « action de vantardise », c’est-à-dire de s’être vanté de quelque chose — en l’occurrence d’avoir été espionné par le Maroc — sans en avoir la preuve.
Dans les déclarations reprochées par Rabat à ce journaliste espagnol, « il est dit qu’il est très difficile de prouver ou de démontrer que c’est le Maroc qui aurait introduit le logiciel informatique Pegasus » sur son téléphone portable, affirme l’arrêt de la juge Sonia Lence Muñoz, daté du 10 mars.
Elle souligne, en outre, que les propos tenus par M. Cembrero dans diverses interviews l’ont été comme conséquence de « la diffusion d’une investigation journalistique par un groupe international — Forbidden Stories — sur des personnes qui avaient fait l’objet d’espionnage au moyen du logiciel Pegasus » et qu’ils étaient justifiés « par la gravité de tels faits, qui ont donné lieu à une enquête pénale », ainsi qu’à des demandes d’explications du parlement espagnol et du parlement européen.
« En raison de tout cela, la demande (du Maroc) est rejetée », poursuit la juge, qui dit « absoudre l’accusé ».
L’arrêt condamne également le Maroc aux dépens, bien que le statut diplomatique du royaume semble exclure cette possibilité.
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