Le rendez-vous donné par l’opposition est fixé à 14 heures locales, place de la Liberté, devant la mairie de Bamako. Cet appel a été lancé par la Synergie d’action pour le Mali, une coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile opposés aux autorités de transition. « Contre les délestages et la vie chère » : la Synergie d’action en appelle d’abord à la fatigue des Maliens, dont le quotidien est miné par les difficultés économiques et les coupures d’électricité.
Mais les responsables joints par RFI ne s’en cachent pas : ce qu’ils veulent, c’est initier un sursaut citoyen, faire monter la contestation contre les autorités de transition, qu’ils considèrent comme « illégales et illégitimes ». Crainte d’une répression Leur capacité de mobilisation se heurte cependant au risque de répression. Les activités politiques de tous les partis et associations du Mali sont officiellement interdites et l’on ne compte plus les procédures pour « atteinte à la sécurité de l’État » lancées contre les voix trop critiques.
Ces dernières semaines, seuls les étudiants de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) ont osé organiser quelques actions, mais à une échelle très limitée. Actuellement, plus d’une vingtaine d’étudiants sont détenus par la Sécurité d’État en dehors de tout cadre judiciaire, selon l’organisation étudiante, officiellement dissoute.
Les habitants de Boni, dans le centre du Mali, déplacés en raison du blocus jihadiste qui frappe leur ville, avaient pu manifester la semaine dernière pour exprimer leur colère et leur sentiment d’abandon. Mais loin de Bamako, et sans prétendre faire chuter le régime. D’importantes figures de l’opposition sont actuellement en exil, mais pas toutes.
« À cause du danger, il n’y aura peut-être pas beaucoup de monde, reconnaît un cadre de la Synergie, mais nous voulons donner le ton. Moi, je serai présent et je me suis préparé pour les conséquences », assure encore cette source. Ce vendredi, un autre rassemblement était prévu, pas vraiment du même ordre : le Collectif pour la défense des militaires (CDM) appelait à célébrer le troisième anniversaire de l’investiture du Président de transition, le colonel Assimi Goïta arrivé au pouvoir après le coup d’État d’août 2020, il y a presque quatre ans.
Il n’était officiellement devenu président qu’après le second coup d’État de mai 2021, présenté comme une « rectification de la trajectoire » de la Transition. Mais le CDM a finalement annoncé jeudi soir l’annulation du rassemblement, en raison de « la situation qui prévaut ». La crise énergétique en filigrane de la mobilisation PDG du conglomérat Kledu et ancien président du Conseil national des entreprises du Mali, Mamadou Sinsy Coulibaly, de passage à Paris, témoigne de l’impact des pénuries d’électricité sur les entreprises maliennes auprès de Claire Fages, du service économie de RFI.
« Aujourd’hui, on a une heure, maximum deux heures de courant par 24 heures ou 48 heures. Aucune économie ne peut se développer comme ça. Toutes nos entreprises sont mourantes ou fermées pour sauver ce qu’on peut sauver. »
Les petites entreprises maliennes, coiffeurs, tailleurs, nettoyage de véhicule, vendeurs de viande ou de poisson, qui ont besoin de glace, ont été les premières à fermer boutique, elles n’avaient pas ou plus les moyens de faire tourner un groupe électrogène. Les grandes entreprises ont fait le dos rond, mais sont touchées à leur tour.
Mamadou Sinsy Coulibaly a dû fermer son usine d’emballage. « Je faisais marcher l’usine par les groupes électrogènes, ce sont des coûts supplémentaires et un moment donné mes clients n’arrivaient plus à acheter mes produits, car ils étaient devenus trop chers. Du coup, on a arrêté, on a licencié 125 personnes.
J’ai aussi fermé l’usine d’impression numérique parce que ce sont des machines très sensibles sur la qualité et la régularité de l’électricité. » Même les banques au Mali doivent produire leur électricité. Faute de bilan officiel, l’ancien patron des patrons estime que la crise énergétique a poussé 2 000 entreprises maliennes à fermer.
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