Une prise de position controversée qui soulève des questions sur la responsabilité régionale et la recherche de solutions durables
Dans une interview récente accordée à Jeune Afrique et The Africa Report, le Président kényan William Ruto a affirmé que la crise sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) et les tensions entre les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame ne pouvaient être résolues que par une solution congolaise, car c’est affaire interne du Congo! Ses déclarations ont provoqué une onde de choc en RDC, où beaucoup voient le Rwanda comme le principal instigateur du mouvement rebelle M23, et responsable de la déstabilisation de l’Est du Congo depuis trois décennies.
Ruto a déclaré : « En tant que chefs d’État, lors d’une réunion, nous avons demandé : le M23, les membres de ce groupe sont-ils des Rwandais ou des Congolais ? Et la RDC nous a dit : ce sont des Congolais. Donc, ce n’est pas une affaire du Rwanda – Fin du débat. » Par ces mots, le Président kényan a clairement exonéré son homologue rwandais, Paul Kagame, des accusations d’ingérence dans les affaires intérieures de la RDC, un point de vue qui va à l’encontre de nombreux rapports d’experts des Nations Unies.
“Ignorer les racines régionales d’un conflit, c’est planter les graines de futures insécurités.”
Anonyme.
Les déclarations de William Ruto ont été accueillies avec stupeur et indignation par la population congolaise et plusieurs acteurs politiques du pays. Pour eux, ces propos montrent une méconnaissance flagrante de la complexité de la crise en RDC et de l’implication de Kigali. Depuis les années 1990, les rapports d’experts indépendants et les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ont maintes fois pointé du doigt le soutien logistique et militaire de Kigali au M23, un mouvement rebelle majoritairement composé de Tutsis congolais.
Qui ne se souvient pas du procès de Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale ? Lorsqu’il faisait partie du CNDP, une rébellion dirigée par des Tutsis qui est devenue le M23, il prétendait être un général de l’armée congolaise. Ntaganda a été accusé de crimes de guerre dans l’Est du Congo ; et lorsqu’il a été arrêté et envoyé à la Cour pénale internationale à La Haye, il a affirmé être citoyen rwandais et non congolais. William Ruto est-il au courant de cela ? Ou fait-il simplement semblant d’ignorer ces faits ?
@Kazibaonline
Les Congolais s’attendent à ce que leurs partenaires régionaux et internationaux reconnaissent et adressent ces dynamiques transfrontalières qui alimentent les conflits. Nombreux sont ceux qui reprochent à Ruto de ne pas exercer la pression nécessaire sur le Rwanda pour qu’il respecte la charte fondatrice de l’Union africaine, qui prône la non-ingérence dans les affaires internes des États souverains.
Les experts des Nations Unies ont produit plusieurs rapports détaillant le rôle du Rwanda dans l’alimentation du conflit en RDC. Selon ces rapports, Kigali fournit des armes, des fonds et un soutien stratégique au M23, aggravant ainsi la crise humanitaire et sécuritaire dans l’Est du Congo. Ces documents soulignent également l’importance d’une approche régionale pour résoudre la crise, impliquant une reconnaissance des responsabilités et des actions de tous les acteurs impliqués.
Pour une résolution durable du conflit en RDC, il est crucial que les leaders africains, dont le Président Ruto, adoptent une approche objective et historique de la situation. Ignorer les implications régionales et les dynamiques de pouvoir qui ont alimenté la violence depuis trois décennies ne fera qu’aggraver la situation. Les Congolais demandent au Président kényan de réévaluer sa position à la lumière des faits historiques et des preuves fournies par les rapports internationaux.
En conclusion, la crise en RDC est loin d’être un simple problème interne. Elle est le résultat d’interactions complexes entre différents acteurs régionaux, avec le Rwanda jouant un rôle non négligeable. Pour parvenir à une paix durable, une reconnaissance claire et une action concertée contre toutes les formes d’ingérence sont indispensables. Les déclarations de Ruto, bien que controversées, soulignent l’urgence d’un débat plus large et plus inclusif sur la sécurité régionale en Afrique centrale.
Réflexions finales :
En somme, le discours du Président kényan William Ruto sur la crise en RDC a suscité plus de questions que de réponses. Tandis que certains voient dans ses paroles une tentative de diplomatie régionale, d’autres y voient une échappatoire bien pratique à une situation complexe. Après tout, qui pourrait résister à l’envie de simplifier les choses dans une région où même les acronymes des groupes rebelles semblent se multiplier plus vite que les résolutions de paix ?
Souvenons-nous de Bosco Ntaganda, alias « le Terminator », qui jongle avec ses identités congolaises et rwandaises comme un prestidigitateur en pleine audience à La Haye. Son cas est l’illustration parfaite du labyrinthe identitaire et géopolitique de la région. On se demande alors : William Ruto est-il vraiment dans l’ignorance, ou a-t-il simplement choisi la voie de la commodité ?
Le fait que le Président Ruto dédouane si facilement le Rwanda dans cette affaire rappelle un peu la célèbre réplique de Shakespeare : « Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark » – sauf qu’ici, le royaume est le paysage politique de l’Afrique centrale. Peut-être devrions-nous inviter les politiciens à une relecture des rapports des Nations Unies au lieu de leur offrir des raccourcis diplomatiques.
En attendant, les Congolais continuent de faire face à une réalité dure et tumultueuse, où chaque discours présidentiel peut soit allumer une lueur d’espoir, soit raviver des braises de colère et de frustration. Ruto a jeté un pavé dans la mare ; espérons simplement que cela ne provoque pas un raz-de-marée de mécontentement.
Ainsi, en adoptant une perspective historique et en tenant compte des faits documentés, les dirigeants africains pourront peut-être un jour naviguer avec plus de finesse dans ces eaux troubles. Entre-temps, rappelons-nous que dans la politique internationale comme dans la comédie, le timing est tout. Et parfois, un bon éclat de rire peut éclairer les vérités les plus sombres.
@Congoarchives
Soyez le premier à commenter