François Mazet et notre correspondant, Carol Valade Plusieurs buldozers étaient à pied d’œuvre vendredi pour démolir le siège du Parti socialiste sans frontières où son président Yaya Dillo a été tué lors de l’assaut donné par l’armée ce mercredi. Au soir, il ne restait plus qu’un champ de ruines. Les camps s’écharpent désormais autour des circonstances de la mort de Yaya Dillo.
Le déroulement des évènements et les justifications des autorités laissent perplexes certains acteurs politiques et de la société civile, déjà inquiets en vue de la campagne électorale. À lire aussi[Vos questions] Que sait-on des circonstances de la mort de l’opposant tchadien Yaya Dillo ?
Une « exécution à bout portant » Les soutiens de l’opposant dénoncent pour leur part un assassinat, une « exécution à bout portant » a dit à l’AFP ce vendredi le secrétaire général du parti socialiste sans frontières, Robert Gamb. La version officielle ne satisfait pas non plus Max Kemkoye, du GCAP groupe de concertation des acteurs politiques, une plateforme d’opposition radicale à la transition, politiquement proche de celle de Yaya Dillo. Hors de la coalition qui soutient Mahamat Idriss Déby à la présidentielle, on s’interroge sur l’usage de la force militaire contre Yaya Dillo.
C’est le cas du conseiller national Théophile Bongoro : « Est-ce qu’il faut forcément, face à une armée aguerrie et des forces de sécurité rompue à la tâche, que des hommes tombent ? Je pense qu’il y a eu un usage excessif des forces publiques. Est-ce que derrière cela, il n’y avait pas quelque chose de préparé ? C’est la question que je me pose. »
Dans un entretien accordé à RFI, le gouvernement affirme que ce sont les hommes de Yaya Dillo qui ont ouvert le feu et contraint les forces de défense à la riposte. Il assure que s’il s’était rendu, la situation n’aurait pas dégénéré. De son côté, le Premier ministre tchadien Succès Masra a adressé ses « condoléances », « pas seulement à sa famille mais aux familles de toutes les victimes, de tous les côtés. Dans cette affaire, des militaires et des civils sont morts.
Je ne sais pas distinguer entre le sang d’un militaire tchadien et d’un civil tchadien. Notre pays a vécu trop de violences. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons choisi, nous, de nous engager sur un chemin de réconciliation », a-t-il déclaré au micro de nos confrères de VOA Africa. Le chef du gouvernement, encore récemment opposant, évoque une « zone de turbulence », « une zone de plus, de trop », « mais cela ne doit pas nous dérouter de l’obligation de tout faire pour atterrir en douceur ».
Un avertissement politique ? Théophile Bongoro s’inquiète pour la sérénité de la campagne électorale à venir. Sa crainte est partagée par Houzibe Gombo Breye, de l’Observatoire des associations pour le processus électoral au Tchad (Oapet) : « Ce climat ne rassure personne. C’est vraiment un recul terrible. Nous pensons que, avec cette transition, en principe, on en aurait profité pour bannir ce genre de mauvaises pratiques. Comment la suite va-t-elle se dérouler ? Nous lançons un appel vibrant à l’endroit des autorités de transition de pouvoir rassurer tous les acteurs qui aimeraient se jeter dans le jeu politique. »
L’Oapet parle d’un processus à la fois fragile et verrouillé. Le gouvernement rassure qu’il sera conduit à son terme le 6 mai prochain. Pour Ladiba Gondeu, enseignant-chercheur en sociologie à l’université de Ndjamena, la mort de l’opposant sonne comme un avertissement politique : « Yaya Dillo, c’est un peu la voix des populations du Nord du Tchad qui s’opposent au système en place. C’est un avertissement pour dire “vous devez suivre le pas et rallier ceux qui ont signé pour soutenir la candidature du président Déby”. »
La candidature de Mahamat Idriss Déby à la présidentielle du 6 mai sera officialisée ce samedi. Il est attendu dans la matinée à la cérémonie d’investiture organisée par la Coalition pour un Tchad uni, formée autour du MPS, le parti fondé par son père. Cette coalition revendique 210 partis membres. Mais la reconfiguration en cours concerne aussi les forces de défense et de sécurité poursuit le professeur : « On a remarqué que la DSSIE se fait de moins en moins présente. On voit apparaître de nouvelles forces. Il y a une recomposition du système sécuritaire tchadien. »
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