Un vendredi soir de décembre, les parents attendent leurs enfants devant l’école élémentaire Richomme, dans le 18e arrondissement de Paris. L’établissement scolaire ne sera pas pour autant vide au cours de la fin de semaine. Depuis le mois d’octobre, l’école héberge deux familles sans domicile fixe.
En face, l’école maternelle est aussi devenue la résidence temporaire d’une famille. Ils ont placé un matelas et m’ont donné des couvertures , lance Rachel en nous montrant l’espace où elle dort chaque soir en compagnie de son fils, âgé de trois ans. Demandeuse d’asile originaire du Cameroun, elle n’a pas trouvé de logement en attendant le traitement de son dossier.
La mère de famille a multiplié les hébergements temporaires, avant de se retrouver dans la rue avec son fils. Ouvrir en mode plein écran Une fois la journée scolaire terminée, cette femme installe son lit et celui de son fils dans une salle de classe.
Elle a bien essayé d’obtenir de l’aide en passant par la ligne téléphonique qui gère l’hébergement d’urgence en France, le 115, mais l’expérience s’est avérée frustrante. Parfois, j’appelais deux ou trois fois par jour, et on me répondait : ”Madame, nous n’avons pas de place, rappelez-demain.” Sa situation est loin d’être unique, selon Manuel Domergue, directeur des politiques à la Fondation Abbé Pierre, qui milite en faveur de logements pour les personnes défavorisées.
Début décembre, 7000 personnes étaient refoulées chaque soir par les services de la ligne 115, dont 2200 enfants. C’est le petit bout de l’iceberg , croit le chercheur, convaincu d’ailleurs que tous les sans-abri ne contactent pas le 115. Pour combler le vide, l’école Richomme a donc décidé d’ouvrir ses portes à des élèves qui, avec leurs parents, se sont retrouvés à la rue.
Manon Luquet, mère d’élèves impliquée dans le processus d’hébergement, souligne néanmoins les limites de cette solution improvisée, un système pratique, mais un peu bricolé . Vous pouvez très bien tomber sur une école dont la direction refuse, ou sur un arrondissement ou une ville dont la mairie refuse , explique-t-elle. C’est censé être une solution de dépannage, mais ça devient une situation complètement pérenne.
Ouvrir en mode plein écran Manon Luquet, dont les enfants fréquentent l’école Richomme, s’assure que les familles qui y sont hébergées ne manquent de rien. Le phénomène ne se limite pas à la capitale française. À Lyon, où 230 enfants seraient sans logement selon un collectif local, plusieurs écoles ont décidé de leur ouvrir leurs portes. Une situation dramatique Si le problème est loin d’être nouveau en France, Manuel Domergue, de la Fondation Abbé Pierre, rappelle qu’auparavant les familles avec enfants en bas âge finissaient par être prises en charge .
Or, en raison de la présence d’environ 300 000 sans-abri dans les rues du pays, selon une estimation présentée par la fondation plus tôt cette année, le système d’hébergement d’urgence ne parvient plus à aider toutes les personnes vulnérables. Selon Manuel Domergue, plusieurs facteurs expliquent cette crise, notamment l’important afflux migratoire qui a repris après la crise de la COVID-19.
Tous ne se retrouvent pas à la rue, heureusement, mais cela crée une tension dans les solutions d’accès à l’hébergement. L’expert croit par ailleurs qu’un des principaux problèmes auxquels la France fait face est le manque de logements. Ouvrir en mode plein écran En octobre, l’UNICEF affirmait qu’environ 3000 enfants n’avaient pas de toit en France. On ne construit pas assez de logements, notamment de logements sociaux.
On voit une montée importante des ménages qui attendent un logement social. Au cours de cette attente, ils sont mal logés et se rabattent, faute de mieux, sur le système d’hébergement d’urgence qui est lui-même engorgé , explique-t-il. Il faut ouvrir des places d’hébergement d’urgence , plaide Manon Luquet, mère d’élèves de l’école Richomme qui s’assure que les familles qui dorment dans l’établissement ne manquent de rien.
Des élus et des organismes réclament au gouvernement l’ouverture de 10 000 de ces places d’urgence. Parce que l’accueil dans des centres scolaires a des limites, comme le témoigne Jolie, qui vit avec son fils de neuf ans dans une classe de l’école Richomme. Le matin à 7 h, je dois partir, et je ne peux revenir qu’autour de 19 h. Il n’y a pas de place pour se laver ou cuisiner , explique-t-elle. Ouvrir en mode plein écran Une fois l’école fermée, des enfants continuent de jouer dans les couloirs, puisqu’ils y passeront la nuit.
Au cours des prochains jours, la mairie du 18e arrondissement de Paris, où sept écoles hébergent des familles d’enfants sans domicile fixe, ouvrira un centre qui permettra un accueil plus adapté à leurs besoins. Si Rachel espère qu’elle et son fils de trois ans y auront une place, elle se trouve déjà chanceuse d’avoir trouvé sur sa route du personnel scolaire et des parents qui lui ont permis d’avoir un toit sous lequel dormir cet automne.
Le fait déjà d’être ici à l’école, c’est comme si c’était ma maison. Je dirais que je suis arrivée au ciel parce qu’ici j’ai trouvé de l’amour. C’est comme ma propre famille , dit-elle.
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