Jean-Yves Le Drian
Ce sont nos auditeurs africains qui ont donné l’alerte. Depuis quelques jours, une prétendue prise de position de l’ancien ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian circule sur les réseaux sociaux.
Dans cette pseudo-déclaration, il critiquerait le bilan du président sortant Felix Tshisekedi. On peut y lire : « L’ennemi numéro 1 de Monsieur Tshisekedi, C’est sa propre bouche. Il a voulu diriger son pays avec des discours de promesse étalant des chapelets de bonne intention (…) » Sur les comptes qui partagent ce texte, on peut voir une photo de Jean-Yves Le Drian, le tout sur un fond musical.
Ceci étant, jamais on ne l’entend prononcer ces mots. C’est toujours la même image et le même texte qui circulent sur les réseaux. Il s’agit d’une photo officielle qui a été détournée. Elle date de 2019. Si on fait une recherche, avec un logiciel spécialisé (@Pimeyes), elle ressort 52 fois dans des contextes différents.
Le texte, qui comporte des fautes d’orthographe et de syntaxe, est parfois transformé en « audio » via une application recourant à une voix synthétique (Text-to-speech). Cette prétendue déclaration a été repérée autour du 30 novembre dernier, sur TikTok avant qu’elle ne circule sur X (ex-Twitter) ou encore à travers des groupes privés sur la messagerie WhatsApp.
Un faux destiné à semer le trouble Dans l’entourage de l’ancien ministre, la réponse est sans appel : « Jean-Yves Le Drian n’a jamais tenu de tels propos, et ne s’occupe plus de ces sujets. » Cela n’empêche pas certains d’y croire, et de commenter cette fausse information.
Par exemple, le 4 décembre, on peut lire, sur un compte X, supposé être celui d’un ancien diplomate rwandais : « Le Drian a tout dit sur la médiocratie » dans ce pays, sous-entendu « la mauvaise gestion » de la RDC. Ce n’est pas la première fois que cette figure de la vie politique française fait l’objet de fausses publications sur les réseaux concernant la vie politique en RDC.
L’objectif est avant tout de jeter de l’huile sur le feu. Ces manipulations ne visent pas systématiquement la France, mais servent souvent à discréditer tel ou tel responsable politique congolais, par effet de ricochet. En 2020, un texte similaire était déjà apparu sur les réseaux.
Cette fois, il s’agissait d’une soi-disant citation du ministre, alors encore en activité, sous la forme d’une publication cette fois sur Facebook. « Le président Tshisekedi ne respecte pas ses engagements pris avec la France, ainsi que les intérêts Européens », telle est donc la teneur des propos attribués au ministre français des Affaires étrangères qui aurait même ajouté : « Le président Félix Tshisekedi ne finira pas son mandat. »
Or, il n’existe aucune trace de telles déclarations, ni dans les médias locaux, ni dans les médias internationaux, rappelle l’agence de presse. Le Quai d’Orsay évoquait déjà une « pure invention ». Jean-Yves Le Drian et la polémique autour de l’élection de 2019 Il peut paraître surprenant, de voir surgir la figure du ministre français dans le débat politique congolais, d’autant que Jean-Yves Le Drian a quitté le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en mai 2022 où il a été remplacé par Catherine Colonna, aujourd’hui encore à la tête du Quai d’Orsay.
Reste que l’ancien ministre de la Défense et ancien chef de la diplomatie française demeure un personnage connu en Afrique. Il a sillonné le continent de long en large, particulièrement lorsqu’il était en poste à la Défense, effectuant pas moins de 32 voyages officiels en Afrique entre 2012 et 2017.
En Afrique, Jean-Yves Le Drian a laissé son empreinte, grâce notamment à des relations personnelles entretenues avec certains chefs d’État. En RDC, ce sont surtout les propos tenus sur France Inter en 2019 après la présidentielle au Congo, qui ont fait couler beaucoup d’encre. À l’époque, il avait affirmé que l’élection s’était achevée par « une espèce de compromis à l’africaine », tout en faisant part de ses doutes sur les résultats lors de l’annonce de la victoire de Félix Tshisekedi.
Cette petite phrase a laissé des traces, et en mars 2023, lors de la visite du président Emmanuel Macron à Kinshasa, Felix Tshisekedi n’avait pas manqué de le rappeler à l’ordre sur le sujet, en pleine conférence de presse conjointe. D’ailleurs, cet incident a probablement ouvert la voie à de fausses informations mettant en scène Emmanuel Macron quelques mois plus tard, via un deepfake : l’enregistrement d’un faux discours ouvertement hostile à Félix Tshisekedi, le tout généré par l’intelligence artificielle.
L’objectif de cette manipulation était de s’attaquer au régime de Félix Tshisekedi à quelques mois de la présidentielle et c’était aussi un moyen d’alimenter le sentiment anti-français, en présentant cet audio comme une nouvelle ingérence de la France dans les affaires politiques d’un pays africain.
Soyez le premier à commenter