« L’effet de contagion, soutenu par une dose de désinformation, mais aussi par des erreurs de positionnement du président, est indéniable », explique un diplomate de la région.
Après des heures de tensions à Niamey, des militaires putschistes ont annoncé mercredi soir à la télévision nationale avoir renversé le président Mohamed Bazoum, élu en 2021. Ils ont justifié ce coup d’État par « la dégradation continue de la situation sécuritaire » au Niger.
Le président, séquestré dans sa résidence officielle, et son gouvernement ont toutefois affirmé jeudi toujours représenter les autorités légitimes du pays. « Mais les putschistes, qui étaient visiblement partis à l’assaut du pouvoir sans disposer du soutien de tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, sont visiblement parvenus à les fédérer. La partie est dès lors finie », poursuit notre diplomate.
Les militaires ont annoncé dans la journée qu’ils suspendaient les institutions, fermaient les frontières terrestres et aériennes, et instauraient un couvre-feu de 22 heures à 5 heures.
Les militaires expliquent donc leur mouvement par « la dégradation continue de la situation sécuritaire », mais insistent aussi « sur la mauvaise gouvernance économique et sociale ». Un discours qui rappelle presque mot à mot ceux de leurs « collègues » putschistes militaires du Mali, du Burkina Faso et même de Guinée. « C’est le fameux effet de contagion », enchaîne un diplomate africain. « Ces militaires ont vu leurs collègues prendre le pouvoir. Ils se connaissent, ils ont peut-être même fréquenté les mêmes écoles« , explique-t-il. « Quand vous êtes en difficulté sur le terrain et que, en plus, vous êtes isolé dans votre région, la tentation du coup de force pour prendre les choses en main est grande. D’autant que le président Bazoum a expliqué récemment que ses troupes avaient moins de moyens que les djihadistes. Un message qui lui a valu beaucoup de critiques dans les rangs militaires. »
Mali : Les casques bleus forcés de plier bagage précipitamment
Dangereuse carte française
Le président Bazoum a aussi pris le « risque » d’apparaître comme le principal soutien de Paris en accueillant une partie du contingent contraint de « fuir » le Mali, dans une région où le sentiment anti-français, aidé par une propagande et une désinformation russes intensives, est aujourd’hui une réalité. Les messages brandis par les manifestants pro-coup d’État dans les rues de Niamey le confirment, eux qui demandent le départ de tous les contingents étrangers du territoire national et saluent la « coopération nigéro-russe » en agitant de nombreux drapeaux blanc-bleu-rouge. « Ce qui montre, évidemment, un travail de sape des propagandistes russes ou rétribués par les Russes », poursuit le diplomate africain qui insiste sur le poids de cette communication et de l’entrisme de Moscou auprès de certains pans des sociétés africaines.
Loi des séries
Depuis 2020, cette région d’Afrique longtemps amarrée à la France a été marquée par une impressionnante série de coups d’État. La Guinée Conakry a vu la chute du président Alpha Condé en septembre 2021. Le Mali a été traversé par deux coups d’État en 9 mois (en août 2020 et en mai 2021), tandis que le Burkina Faso a suivi la même trajectoire, un peu plus rapidement (8 mois – en janvier 2022 et en septembre de la même année). Ces deux derniers pays sont traversés depuis plusieurs années par une offensive djihadiste que les pouvoirs en place ne sont jamais parvenus à contrer, faisant peser le poids de cet échec sur l’armée qui se sent dès lors manipulée, tandis que la tentative de réponse militaire de la France – qui n’est pas parvenue à gagner cette guerre – a été perçue par ces mêmes militaires comme une humiliation et la démonstration, mais aussi la confirmation, que Paris – et les Européens – n’ont plus la capacité de régenter cette région du monde.
Soyez le premier à commenter