Quelques semaines avant ce conseil des ministres, à partir du 12 Février 2023, des rapports avaient déjà fait état d’un déplacement des troupes du chef rebelle, General autoproclamé, William Amuri Yakutumba, sous sanctions européennes depuis Décembre 2022, de sa zone opérationnelle de Fizi, vers le Nord Kivu, pour, déclarait-il lui-même, combattre le M23 et sécuriser la frontière Congolo-Rwandaise de Kamanyola. En rapport avec ce mouvement des troupes de Yakutumba, le Commandant opérationnel des FARDC à Uvira, le Général Ramazani Fundi, avait déclaré qu’ils envisageaient comment l’armée allait faciliter l’acheminement de ces rebelles vers le champs de bataille.
Les quelques zones d’ombre qui subsistaient quant à la collaboration active, et désormais décomplexée, entre les groupes Mai Mai, rebaptisés depuis Wazalendo (patriotes autochtones), et les FARDC, furent levées par le ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire, M. Muhindo Nzangi Butondo, dans une conférence de presse tenue à Goma, le 6 mars 2023. Dans son interprétation, « en termes clairs », de la décision prise par le gouvernement sur le corps des réservistes, le ministre déclara : « le message que je passe aux Wazalendo, qui sont partout où ils se retrouvent, c’est que cette fois-ci, le gouvernement vient de mettre en place un dispositif législatif pour vous légaliser. Donc, à partir de la semaine prochaine, vous allez recevoir des missions, vous allez être mis en condition, vous allez vous battre dans les mêmes conditions de ravitaillement que les FARDC ».
Pour M. Nzangi, l’implication principale de cette légalisation des Wazalendo devant, désormais, être mis dans «les mêmes conditions que l’armée», était qu’ils ne devaient plus se cacher: « A partir de ce moment ici, vous n’êtes plus des forces négatives. Vous devenez des réservistes ! C’est important de le dire. Je veux que ce message passe » dit-il.
Alors que certains Congolais s’indignaient sur les réseaux sociaux – moins sur ce qu’avait dit le ministre que sur un constat qu’il en aurait dit trop – le ministre de la Défense en charge du dossier, tenait des propos contradictoires sur la question. A Bunia le 10 mars, il déclarait, sans être rassurant, que le projet d’Ordonnance-loi sur les réservistes de l’armée « ne concerne que les citoyens civils et non les combattants des groupes armés» alors que le jour d’avant, à Bukavu il utilisait le mot réserviste en référence à « ceux qui sont aujourd’hui en train de défendre la nation » au moment où l’Ordonnance-loi n’est pas encore adoptée pour conférer ce statut. En effet, alors que le ministre de la défense tenait ces propos, des images circulaient sur les réseaux sociaux, vers le 11 mars, sur un contingent armé se présentant comme appartenant au CNPSC de Yakutumba. Dans ces images, les combattants affirmaient être sur le terrain au Nord Kivu et prêt à monter au front. Etant donnée la distance entre Fizi et Goma, il est difficile de les imaginer atteindre leur destination sans facilitation officielle.
Ces développements soulèvent de sérieuses questions sur la viabilité du processus de paix dit de Luanda et de Nairobi et, plus globalement, sur la possibilité d’un retour a la paix et à la stabilité dans cette partie de la RDC. Le déploiement de la force de la Communauté de l’Afrique de l’est était fondé sur le processus de Nairobi entrevoyant un désarmement de tous les groupes armés, dont le M23, et un dialogue politique devant examiner les sources des conflits. Le processus de Luanda, quant a lui, mettait un accent particulier sur la résolution des dimensions régionales de la crise, notamment entre la RDC et le Rwanda, et surtout, le désarment des groupes armés étrangers. Cependant, diverses déclarations publiques des autorités congolaises, les discordantes communications ayant accompagné les récents sommets des chefs d’état régionaux à Bujumbura, Addis-Abeba et celui des chefs militaires de l’EAC à Nairobi en mi-février 2023, traduisent un malaise et des désaccords sur les priorités des interventions.
Ces communications et les récents développements démontrent que pour les autorités congolaises, la seule priorité est la défaite militaire du seul M23 présenté comme une face cachée d’une intervention rwandaise. Le désarmement de la majorité des autres groupes armés, notamment les Mai Mai et assimilés, porteurs d’une idéologie nativiste « Wazalendo » érigés en défenseurs de la patrie, n’est plus, en toute apparence, désirable. Leur légalisation et blanchissement sous l’appellation « réservistes » apparaît comme étant la nouvelle stratégie qui semble être déjà mise en exécution avant même l’adoption du texte légal devant la formaliser. Après tout, le Président Tshisekedi n’avait-il pas été « complimenté » par le Président du sénat, Modeste Bahati Lukwebo, comme étant un Mai Mai suite à un discours aux Nations Unies !
Une collaboration ouverte entre les FARDC et des groupes ou chefs rebelles tels que Yakutumba, Biloze Bishambuke, CODECO, Guidon Shimiray Mwissa, ne peut qu’embarrasser tout partenaire de la RDC impliqué dans le processus de paix, notamment la MONUSCO, la force de la Communauté de l’Afrique de l’Est et les partenaires occidentaux de la RDC qui prônent des valeurs éthiques dans leurs interventions. Les atrocités commises par ces groupes dont CODECO contre les Hema ; Yakutumba et Biloze Bishambuke contre les Banyamulenge ne peuvent être oblitérées par un coup de baguette magique à coups de slogans tels que #BendeleEkweyaTe (le drapeaux ne tombera pas) ou #EzaLikamboYaMabele (c’est une question de terres).
Scandées par des « combattants » de la diaspora congolaise depuis des années, ces slogans sont, de plus en plus, repris par différents acteurs congolais pour justifier leur radicalisme, y compris une alliance contre nature avec des groupes armés meurtriers. Est-il raisonnable de s’attendre à une résolution à long terme de la crise sécuritaire à l’est de la RDC si les acteurs ne parviennent pas a s’accorder sur la définition du problème, la qualification des différents acteurs et la nature des remèdes appropriés ? L’avenir nous le dira !
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