🇿🇦 Fermiers blancs d’Afrique du Sud : partir pour l’Amérique ou reconstruire la nation ?


C’est un appel à la terre, lancé du cœur du Free State.
Alors que 49 Afrikaners ont récemment obtenu l’asile aux États-Unis, affirmant fuir une prétendue persécution raciale en Afrique du Sud, le vice-président Paul Mashatile, lui, plaide pour l’unité.
Depuis les allées poussiéreuses du NAMPO Harvest Day 2025, il tente de rassurer les agriculteurs blancs tentés par l’exil américain :

« Restez. Parlons. Construisons ensemble. »

Derrière cette main tendue, une inquiétude croissante : celle de voir le tissu agricole du pays s’effilocher sous l’effet d’une méfiance alimentée autant par la peur que par les narratifs internationaux. Car si le départ des Afrikaners vers l’Amérique agite les médias, il révèle surtout les fissures non refermées d’une nation post-apartheid encore en quête d’équité, de sécurité et de reconnaissance mutuelle.


Paul Mashatile ne nie pas les difficultés : insécurité rurale, attaques contre des agriculteurs, routes impraticables, accès limité au financement et aux marchés internationaux… Les griefs sont nombreux, les frustrations réelles. Mais il refuse de céder à la logique de l’abandon.

« Ceux que j’ai rencontrés veulent rester. Ils nous demandent de travailler avec eux. Ils ne fuient pas. Ils espèrent. »

Et pourtant, pendant ce temps, un avion charter d’Omni Air dĂ©colle de l’aĂ©roport OR Tambo, direction Dulles International Ă  Washington D.C., transportant près de cinquante Afrikaners revendiquant le statut de rĂ©fugiĂ©s.
Une annonce qui fait grincer des dents à Pretoria. Le président Cyril Ramaphosa s’agace :

« Ils ne sont pas persécutés. Ce ne sont pas des réfugiés. Ils ne fuient pas une dictature. Ils fuient le changement. »


Mais de quel changement parle-t-on, exactement ?
D’une Afrique du Sud qui tente, difficilement, de redistribuer les terres accaparées pendant plus d’un siècle ?
D’un pays qui veut enfin donner une place aux exclus sans effacer ceux qui ont toujours été là ?
Ou d’un malentendu profond sur ce que signifie vivre ensemble dans une démocratie multiraciale ?

Le malaise est profond. Car si certains agriculteurs quittent le pays, c’est aussi parce qu’ils se sentent désignés comme héritiers d’un passé dont ils ne se revendiquent plus. Ils craignent une insécurité grandissante, une bureaucratie inefficace, une marginalisation rampante.
Mais fuir vers les bras d’un Donald Trump qui décrit l’Afrique du Sud comme une dystopie où “les fermiers blancs sont brutalement tués” relève moins d’un projet de vie… que d’une opération idéologique.


Le 21 mai, Ramaphosa se rendra Ă  Washington pour tenter de “rĂ©initialiser” la relation stratĂ©gique avec les États-Unis. Au menu : investissements, partenariats, et surtout… image. L’Afrique du Sud veut convaincre qu’elle reste une dĂ©mocratie non raciale, inclusive, stable.
Mais cette mission de reconquĂŞte se heurtera Ă  un paradoxe :
comment défendre l’idée d’un pays arc-en-ciel quand une partie de ses citoyens les plus visibles choisissent le drapeau américain ?


Le départ de ces Afrikaners vers les États-Unis est moins un exode massif qu’un symbole puissant.
Un symbole d’incompréhension. De fractures mal cicatrisées.
Mais aussi un avertissement pour les autorités sud-africaines :

une démocratie ne se décrète pas — elle se construit, jour après jour, en garantissant à tous ses enfants un minimum de sécurité, de justice, et de perspectives.

La nation arc-en-ciel survivra non pas par la fuite de ceux qui doutent, ni par la posture de ceux qui gouvernent,
mais par la volonté partagée de rester, de s’écouter, et de cultiver ensemble cette terre qui, malgré ses douleurs, n’a jamais cessé de nourrir l’espoir.

Soyez le premier Ă  commenter

Laisser un commentaire