🇨🇩 Procès Kabila : justice ou purge politique ?Quand le Sénat congolais s’apprête à trancher entre l’histoire et le chaos


C’est un moment de vérité qui se profile au Parlement congolais. Ce jeudi 15 mai 2025, la chambre haute est appelée à examiner un réquisitoire explosif : la levée des immunités parlementaires de Joseph Kabila, ancien Président de la République devenu sénateur à vie. En ligne de mire : des accusations graves, historiques, vertigineuses. Trahison. Crimes de guerre. Crimes contre l’humanité.

Le 30 avril, l’Auditeur général des FARDC, instruit par le ministre de la Justice, a officiellement ouvert la boîte de Pandore. Selon ses allégations, Kabila aurait activement soutenu le M23, cette rébellion armée que l’on sait pilotée par Kigali, et responsable d’un carnage humain à l’Est de la RDC. Si le Sénat vote favorablement, c’est un ancien chef d’État qui comparaîtra non pour sa présidence, mais pour ses actes en tant que parlementaire. Une première dans l’histoire du pays.


Mais dans les travées du Sénat comme dans les coulisses du pouvoir, ce dossier sent moins le droit que la poudre politique. Le Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme fidèle à l’ancien président, dénonce une cabale, une tentative d’éradication politique, un règlement de comptes à peine masqué. Dans un communiqué acerbe, le FCC accuse le pouvoir actuel de vouloir “diviser les Congolais” après avoir échoué à ramener la paix dans l’Est. “Joseph Kabila est un bouc émissaire commode,” souffle un haut cadre du FCC.

Et le feuilleton ne s’arrête pas là. Car dans la foulée de cette procédure judiciaire, le gouvernement a lancé une autre offensive : la dissolution pure et simple du PPRD, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie, fer de lance du kabilisme depuis deux décennies.


Dans une lettre glaçante, le ministre de l’Intérieur, Jacquemin Shabani, accuse le PPRD d’apporter un soutien “idéologique, logistique et diplomatique” au M23. Aubin Minaku, ex-président de l’Assemblée nationale, est cité pour avoir publiquement défendu les choix de Kabila — notamment ses visites “clandestines” au Rwanda et dans les zones occupées.

“Un ancien Président n’a pas le droit de conspirer, ni de servir une puissance étrangère contre sa patrie,” martèle Shabani.

Et de s’appuyer sur la loi de 2018 encadrant le statut des anciens chefs d’État pour justifier la requête de dissolution : obligation de réserve, de loyauté, de patriotisme. Le ton est clair : Kabila n’est plus au-dessus des lois. Il est désormais dans leur viseur.


Mais dans un pays oĂą les institutions peinent Ă  faire le tri entre droit et instrumentalisation, une question demeure :

Sommes-nous en train d’assister à un sursaut de justice ou à une vengeance d’État ?

L’ancien Président reste une figure clivante. Détesté par les uns, redouté par les autres, il est encore aujourd’hui l’ombre tutélaire d’une époque à la fois redoutée et regrettée. L’Est du pays, encore déchiré, reste sa cicatrice la plus visible. Y a-t-il eu complicité ? Cécité ? Stratégie calculée ? Seul un procès juste, transparent et équitable pourra départager la vérité de la propagande.

Mais si le Sénat vote la levée d’immunité ce 15 mai, c’est un signal fort qui sera envoyé : l’impunité présidentielle n’est plus un bouclier.

À condition, bien sûr, que la justice reste justice. Et que le Congo, dans ce procès hors normes, ne troque pas la vérité pour la revanche.

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