Près de six millions de dollars en cash, des lingots d’or (qui se sont révélés faux), des pistolets et des munitions cherchent désespérément propriétaires. Retrouvé le 14 août à l’aéroport de Lusaka (Zambie) à bord d’un jet privé parti du Caire, le mystérieux magot fait l’objet depuis d’une foule de rumeurs et spéculations. Car personne, nulle part, ne reconnaît avoir loué l’avion ou posséder son contenu. De l’argent si malpropre que nul n’ose le réclamer.
Les premières informations officielles sur les passagers du vol ont commencé à filtrer cette semaine seulement. Les autorités zambiennes ont annoncé que cinq ressortissants égyptiens et un Zambien avaient été arrêtés à bord de l’avion. Accusés d’espionnage, ils ont été relâchés ce vendredi 1er septembre par le tribunal, après l’abandon des charges d’espionnage par le procureur, selon l’agence Reuters.
Trois autres passagers européens du vol, un Lituanien, un Espagnol et un Hollandais, ont également été arrêtés par la commission zambienne de lutte antidrogue, sans que des accusations précises ne leur soient encore signifiées. Cinq ressortissants zambiens, arrêtés pour avoir pénétré dans une zone interdite de l’aéroport, demeurent détenus.
Médias soumis au silence
En Egypte, l’affaire a été révélée par un lanceur d’alerte du site de fact-checking égyptien Matsadaksh (Ne crois pas) qui, le 18 août, a accusé plusieurs officiers et hauts fonctionnaires des services de sécurité égyptiens d’être impliqués dans le vol suspect. Dès le lendemain de la publication, le journaliste Karim Assaad a disparu après la visite à son domicile des forces de sécurité. Mais il a été relâché deux jours après, suite à une mobilisation du syndicat des journalistes égyptiens et à des protestations sur les réseaux sociaux.
Les autorités égyptiennes, qui prétendent que l’avion n’a fait qu’une escale au Caire, auraient passé des instructions aux médias contrôlés du pays pour ne pas évoquer l’affaire. Ce qui n’empêche pas les rares journalistes indépendants et les réseaux sociaux égyptiens de multiplier révélations, rumeurs et commentaires sur ce qu’ils soupçonnent clairement d’être un scandale de corruption impliquant l’élite dirigeante du pays.
Ainsi, le très sérieux site alternatif Mada Masr a publié les noms des cinq Egyptiens arrêtés à l’aéroport de Lusaka et accusés d’espionnage. Il a indiqué en outre que les données de navigation aérienne confirmaient que l’avion était bien parti de l’aéroport du Caire, mais que son propriétaire était anonyme. Les personnes identifiées seraient liées pour certains à l’armée égyptienne, pour d’autres à des trafiquants d’or.
Lingots d’or contrefaits
Côté zambien, les médias ont révélé qu’après l’atterrissage de l’avion, un citoyen du pays, chargé de sacs de lingots ressemblant à de l’or, a été autorisé à passer la sécurité de l’aéroport pour aller sur le tarmac et monter dans l’appareil. Un accès négocié en échange de pots-de-vin, avec pour but de «vendre» le contenu de ses sacs aux passagers du vol. Selon d’autres informations publiées sur place, plusieurs fonctionnaires zambiens, également montés à bord de l’avion après son atterrissage, auraient reçu 200 000 dollars chacun de la part des Egyptiens pour laisser l’appareil redécoller sans que personne ne soit arrêté.
Mais quand les échanges de liquide ont été repérés, une autre équipe de sécurité zambienne serait montée à bord pour arrêter les passagers et saisir la cargaison phénoménale. C’est alors qu’il s’est avéré que tout ce qui brille n’est pas de l’or : les lingots étaient composés d’un mélange de zinc, cuivre, nickel et étain. Les acheteurs égyptiens allaient être victimes d’une escroquerie à l’or contrefait.
Le président zambien s’engage à la transparence
A mesure que les informations plus ou moins vérifiées continuent de circuler, le mystère du vol anonyme aux millions s’épaissit. Outre les conjectures et rumeurs sur une opération de blanchiment, de trafic ou d’évasion fiscale, des interrogations et des analyses émergent. La possibilité que l’avion intercepté à Lusaka ne soit pas le premier du genre est mentionnée par des analystes égyptiens. Certains rappellent que la crainte d’un effondrement économique du régime du dictateur Abdel-Fattah al-Sissi pousse des hommes d’affaires comme des hauts responsables égyptiens à sortir leur argent du pays.
Le président de la Zambie s’est engagé publiquement à ce que l’enquête soit menée jusqu’au bout, en toute transparence, et que tous les suspects soient poursuivis par la justice. En attendant le prochain épisode, des scénaristes de Netflix sont peut-être déjà à pied d’œuvre.
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