Entre pragmatisme diplomatique et héritage jihadiste, un nouveau chapitre s’ouvre en Syrie
Une image impensable il y a encore quelques mois : Abu Mohammed al-Julani, ex-affilié d’al-Qaïda et désormais président de la Syrie en transition, serrant la main du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) à Riyad. Cette rencontre marque le premier voyage officiel à l’étranger d’al-Julani depuis la chute de Bachar el-Assad en décembre dernier et s’inscrit dans une dynamique diplomatique qui pourrait rebattre les cartes au Moyen-Orient.
La visite est hautement symbolique. L’Arabie saoudite, qui a longtemps soutenu les factions rebelles en Syrie contre Assad, semble désormais prête à composer avec un ancien jihadiste devenu chef d’État. Alors, cette rencontre est-elle un simple calcul pragmatique de MBS ou le signe d’une redéfinition plus profonde des alliances régionales ?
Du jihadisme à la diplomatie : Julani en quête de légitimité internationale
Abu Mohammed al-Julani, ancien chef du groupe jihadiste Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), a longtemps été considéré comme un paria par les puissances arabes et occidentales. Mais avec l’effondrement du régime d’Assad, il s’est imposé comme l’homme fort du nouveau pouvoir syrien, cherchant à se repositionner sur l’échiquier politique.
- D’un chef de guerre à un homme d’État ?
- Julani a entrepris une métamorphose politique, se présentant comme un pragmatique plutôt qu’un extrémiste.
- Son objectif : convaincre les puissances arabes et occidentales qu’il peut être un interlocuteur fiable.
- Pour cela, il doit obtenir des garanties économiques et militaires, notamment des États du Golfe.
- L’Arabie saoudite, un allié incontournable
- Riyad a longtemps soutenu les groupes rebelles syriens contre Assad, mais son approche a évolué.
- MBS cherche avant tout la stabilité régionale et veut éviter que la Syrie ne devienne un nouvel Afghanistan jihadiste.
- En accueillant Julani, il envoie un message fort : Riyad est prêt à dialoguer avec les nouveaux maîtres de Damas.
« Nous devons voir si Julani est un dirigeant pragmatique ou s’il reste ancré dans son passé jihadiste », confie un diplomate saoudien sous couvert d’anonymat.
Une reconfiguration des alliances au Moyen-Orient
Cette rencontre s’inscrit dans un contexte de réajustements stratégiques majeurs :
- L’Arabie saoudite veut limiter l’influence de l’Iran en Syrie
- L’effondrement du régime Assad marque un revers majeur pour Téhéran, qui perd un allié clé.
- MBS veut empêcher l’Iran de trouver de nouveaux leviers d’influence en Syrie, notamment via des milices chiites.
- En dialoguant avec Julani, Riyad espère contrôler l’avenir syrien et y installer un pouvoir plus proche des intérêts sunnites.
- Le Qatar en concurrence avec l’Arabie saoudite
- Doha a été le premier pays à reconnaître la nouvelle administration syrienne, avec une visite officielle de l’émir du Qatar à Damas.
- Le Qatar et l’Arabie saoudite, bien qu’alliés, restent rivaux dans leur approche de la Syrie.
- Cette compétition pour l’influence pourrait favoriser Julani, qui cherche des soutiens multiples.
- Les États-Unis et l’Occident en position d’observateurs prudents
- Washington et l’Europe n’ont pas encore pris de position officielle sur le régime de Julani.
- Son passé jihadiste est un obstacle, mais son discours pragmatique pourrait ouvrir des portes diplomatiques.
- L’Occident pourrait choisir une position d’attente, laissant les acteurs régionaux tester la viabilité du nouveau pouvoir syrien.
Quels risques pour l’Arabie saoudite ?
Si MBS choisit de s’engager aux côtés de Julani, il prend un pari risqué.
- Un pouvoir fragile en Syrie
- Julani doit encore asseoir son autorité face à des groupes jihadistes plus radicaux et à des factions dissidentes.
- S’il échoue, la Syrie pourrait sombrer dans une nouvelle guerre civile.
- Un lourd passif jihadiste
- Julani peut-il vraiment se départir de son passé terroriste ?
- L’Arabie saoudite prend le risque de s’allier à un dirigeant dont l’évolution reste incertaine.
- Une réaction hostile de l’Iran et des chiites
- En soutenant Julani, Riyad s’expose à des représailles iraniennes, notamment via ses alliés en Irak et au Yémen.
« L’Arabie saoudite marche sur un fil. Si Julani ne tient pas ses promesses, Riyad pourrait se retrouver en position délicate face à l’Iran et à d’autres acteurs régionaux », analyse un expert du Moyen-Orient.
Conclusion : Julani, un pari stratégique pour Riyad
L’Arabie saoudite joue une carte audacieuse en recevant Abu Mohammed al-Julani, espérant stabiliser la Syrie sans compromettre ses intérêts régionaux.
Trois scénarios sont possibles :
- Un rapprochement réussi, avec une Syrie sous influence saoudienne, limitant l’expansion iranienne.
- Un échec diplomatique, où Julani ne parvient pas à convaincre les grandes puissances.
- Un retour du chaos, avec une Syrie ingouvernable, ouvrant la porte à une résurgence jihadiste.
Dans ce jeu complexe, Riyad tente d’anticiper l’avenir du Moyen-Orient. Mais en s’associant à un homme au passé aussi sulfureux, MBS prend un risque stratégique majeur.
💬 Julani peut-il réellement devenir un leader modéré, ou reste-t-il un jihadiste sous une nouvelle étiquette ? Partagez vos réflexions.
Soyez le premier à commenter