Les documents saisis lors des perquisitions de juin 2021 dans les locaux de la BNP Paribas, en région parisienne, et dans sa filiale, en Suisse, sont encore à l’étude, mais déjà les enquêteurs l’affirment : alors que la guerre au Darfour faisait rage entre 2002 et 2008 – le conflit a fait près de 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés selon l’ONU –, la BNP a sciemment maintenu ses opérations, contourné les règles internationales ainsi que les sanctions édictées par l’ONU, les États-Unis et l’Union européenne.
Selon les premières conclusions de l’enquête visant la banque, en France, pour « complicité de crimes contre l’humanité » au Darfour et révélées par l’Agence France-Presse (AFP), « la BNP Paribas a décidé de continuer les opérations bancaires avec ce pays [le Soudan, NDLR] en toute connaissance de cause, se substituant même aux banques américaines pour les opérations de clearing » ou compensation, d’après plusieurs comptes rendus.
« Il ressort des documents internes de la BNP Paribas Suisse que la banque était au courant, en temps réel, de l’évolution des règles internationales », soulignent les enquêteurs en décembre 2021, cités par l’AFP. « À travers le contournement des règles internationales, la BNP aurait permis aux autorités soudanaises de se financer sur le marché en dollars et de financer leurs crimes », explique Clémence Bectarte, avocate de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) à l’origine de cette plainte en France déposée avec neuf réfugiés soudanais et la Ligue des droits de l’homme (LDH).
« Quand on parle de crimes de masse – crimes contre l’humanité, génocide –, cela suppose des moyens financiers. C’est précisément cela qui est reproché dans cette plainte », ajoute Clémence Bectarte. La BNP plaide coupable et s’acquitte d’une amende record aux États-Unis En 2014, la BNP avait été accusée aux États-Unis d’avoir violé les embargos américains au Soudan ainsi qu’à Cuba et en Iran.
La banque avait plaidé coupable et s’était acquittée d’une amende record de près de 8,9 milliards de dollars. « Les autorités judiciaires américaines avaient à l’époque qualifié la BNP de “Banque centrale de facto des autorités soudanaises” », raconte Clémence Bectarte avant d’ajouter que « les victimes soudanaises qui n’ont pas pu accéder à des réparations aux États-Unis se sont alors tournées vers nous pour enclencher une procédure pénale en France, non plus sur le fondement de “violation de l’embargo”, mais cette fois-ci pour complicité des crimes commis par le gouvernement soudanais, alors que la BNP coopérait avec les autorités. » Contactée pour réagir aux avancées de l’enquête en France révélées par l’AFP, la banque n’a pas répondu aux sollicitations de RFI.
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