Léa-Lisa Westerhoff Il y a d’abord une décision du Conseil constitutionnel qui rejette la proposition de reporter la présidentielle au 2 juin. Saisis par le président Macky Sall pour avis, les Sages ont rappelé que le mandat du chef de l’État prenait fin le 2 avril, et qu’il ne lui était donc pas possible d’organiser un scrutin après cette date-butoir.
Rejet aussi de la possibilité que le président sortant assure l’intérim si un nouveau chef de l’État ne devait pas encore avoir été élu à la date du 2 avril. Enfin, la liste des 19 candidats à la présidentielle reste la même ; exit la possibilité du réexamen de la candidature de Karim Wade, comme le demandait le PDS qui a été exclu de la course.
Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours, a-t-il été précisé. Juste après, le président Macky Sall dit avoir pris note et rend publique la nouvelle date de la présidentielle : ce sera le dimanche 24 mars dans un peu plus de trois semaines. Le président a également dissout son gouvernement.
Sidiki Kaba, ministre de l’Intérieur, remplace à la Primature Amadou Ba, qui est aussi le candidat à la présidentielle de la coalition au pouvoir, Benno Bokk Yakaar, officiellement pour le libérer pour mener campagne. Mais quelques minutes plus tard, nouveau rebondissement : le même Conseil constitutionnel, dans une autre décision sollicitée par plusieurs candidats à la présidentielle, fixe le scrutin au 31 mars. Cette date fixée pour « pallier l’inertie des autorités compétentes ». Sauf qu’entre-temps, le président Macky Sall a tranché.
Et la présidence assure que c’est la date choisie par le président qui est la bonne. Si les candidats à la présidentielle se disent un peu perdus, tous semblent confiants que la confusion sera réglée dans la journée. Puisque la revendication essentielle du Conseil constitutionnel et de l’opposition est respectée : le scrutin aura lieu avant le 2 avril, date de la fin du mandat de Macky Sall. « On est satisfait puisque la date est avant le 2 avril » Abdou Mbow, président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar qui avait pourtant voté en faveur d’un report de la présidentielle, n’est pas surpris : « Le Sénégal, c’est une grande démocratie. Énormément de personnes ont cru que ce pays allait aller en lambeaux. Aujourd’hui, vous avez vu que la démocratie fonctionne et on verra avec la suite des événements. » Pour Abass Fall, député de l’ex-Pastef, c’est la confusion : « 24 ou 31 mars ?
Nous sommes dans un imbroglio total. » Ayib Dafe, un autre député du même parti, temporise : « On est satisfait puisque la date est avant le 2 avril. Maintenant, il faudrait que l’on concilie les deux dates entre la date du gouvernement et celle du Conseil constitutionnel, ça fait un peu désordre. En tout cas, nous sommes prêts pour aller à l’élection présidentielle, car c’est ce qu’on a toujours demandé. » « On vient de découvrir que l’on a trois pouvoirs et que la justice est un pouvoir indépendant qui peut arbitrer et réguler le jeu électoral, se félicite le candidat à la présidentielle, Thierno Alassane Sall.
Maintenant, il est déplorable que le Conseil constitutionnel a pris tout ce temps-là. » Pour Babacar Gueye, le président de la plateforme Aar sunu elections, cette annonce sonne comme une victoire de ce collectif : « Nous avons mis en place cette plateforme pour que justement l’élection se tienne avant la fin du mandat de l’ancien président de la République. Donc le Conseil constitutionnel nous a suivi dans cette conviction et c’est une grande satisfaction pour nous. Nous sommes un peu plus rassurés, mais s’il y a un deuxième tour, ce deuxième tour risque d’enjamber la fin du mandat du président de la République. Et donc il y a encore une incertitude qui plane. »
C’est en tout cas un véritable coup d’accélérateur qui est donné au processus électoral ce mercredi soir, alors que le pays traverse une crise politique sans précédent depuis le report de la présidentielle. Et dans le même temps, l’Assemblée nationale a adopté une loi d’amnistie pour les crimes commis entre février 2021 et 2024, en lien avec des manifestations ou des accusations politiques.
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