Une manière de “valoriser ce qui ne se lit pas habituellement” et de repenser les questionnements féministes, queer et décoloniaux. “Une carte blanche, ce n’est pas évident. C’est un acte politique. Je veux rassembler et co-construire”, certifie-t-elle. Rokia Bamba s’improvise chef d’orchestre le temps de cette performance littéraire intitulée “Femme Flamboyante”, bientôt déclinée dans d’autres villes belges. Les habitués du monde de la nuit la connaissent davantage derrière des platines. Les avides de découvertes musicales, derrière un micro dans un studio radio.
Voix belge du hip-hop
Dans les années 90, tout juste majeure, elle cofonde l’une des premières émissions belges dédiée au hip-hop sur Radio Campus, la radio libre de l’ULB. Un genre qui “faisait peur à l’époque”. Elle doit batailler pour imposer son projet. “Le comité exécutif avait peur qu’il y ait des vols, la culture rap et hip-hop était associée à la destruction de matériel. On était aussi deux nanas qui devaient gérer des mecs en studio. On ne nous faisait pas trop confiance.” En ouvrant l’émission à d’autres styles comme la funk, la soul ou le R’n’B, Full Mix peut finalement s’imposer sur les ondes. Elle y reçoit notamment NTM, IAM, Booba et Starflam. Là-bas, elle se découvre une passion pour le son et la programmation musicale. Elle rejoint par la suite Radio Zinneke, devenue aujourd’hui Bruzz, pour laquelle elle mixe tous les quinze jours.
Il y a une petite dizaine d’années, à l’âge de 40 ans, la Bruxelloise découvre le monde du deejaying. “Ça m’est tombé dessus”, s’étonne-t-elle encore. Elle se retrouve rapidement programmée dans des festivals (Massimadi, Pink Screens, Afropunk, Festival des Libertés…) et joue à plusieurs reprises pour l’Ancienne Belgique et le Botanique. Toujours pour des événements militants. Elle se décrit d’ailleurs comme une “artiviste”. Ces engagements politiques sont indissociables de sa pratique artistique. Elle fait valoir une parité femmes-hommes dans ses sélections et met de côté tout artiste homophobe, raciste ou misogyne. Une manière de “prendre soin de son public”, de ne pas le heurter. “Toute chanson est politique, ça en dit long sur ce que tu es. ”
Sur scène, la quarantenaire se défoule sur des mix mélangeant hip-hop, house, techno, rythmes africains. “Chaque session est très intense. Je transpire beaucoup parce que je danse avec le public. Je suis vraiment en immersion totale. Quand je termine, je suis vidée. ” Pour cette raison, elle tente d’espacer davantage ses prestations : elle ne joue pas plus d’une fois par semaine. “Je n’ai pas envie de ne plus avoir envie de le faire. Chaque moment doit être unique.” Pas question de rester sur son estrade tout le long, Rokia Bamba préfère se mêler à la foule et se retrouver au même niveau du public. Une façon de se mettre à égalité et de supprimer les clivages, même si cela reste symbolique.
Faire du bruit
À côté de ses activités d’animatrice radio et de DJ, l’ancienne professeure de FLE (français langue étrangère) explore de plus en plus le milieu des arts plastiques. Pour différents musées (AfricaMuseum) et plusieurs biennales (Dakar, Venise, Lubumbashi), elle compose des bandes-son. “On m’appelle pour faire de bruit, j’adore ça ! Mais ce n’est pas du bruit pour rien. Il permet de faire rentrer dans différents paradigmes, amener d’autres sensations et nourrir des réflexions. ” Boute-en-train, Rokia Bamba ne s’arrête pas là. Elle tient le podcast Sororités, planche sur un livre qui regroupe des portraits de 15 femmes qui travaillent dans la musique et étudie l’idée de produire, bientôt, un premier EP.
« Femme Flamboyante », du 20 au 22 janvier, au 140 (Bruxelles)
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