Rencontre avec Maguy Barankitse qui inaugure l’école de sa maison Shalom

Rencontre avec Maguy Barankitse qui inaugure l’école de sa maison Shalom

ign=”left”>Marguerite Barankitse large sourire, regard chaleureux, décompte les jours avant l’inauguration du nouvel établissement scolaire qu’elle a construit au cœur d’un camp de réfugiés au Rwanda, l’école Sainte-Anne de Kigali. La « dame en rouge », comme certains la surnomment pour ses habituelles tenues colorées, est une icône en Afrique de l’Est. Les Burundais, son pays d’origine, mais aussi les Rwandais ou les Congolais lui vouent un respect immense pour son combat en faveur des plus démunis et plus particulièrement des enfants. Pour la construction de sa maison Shalom, qui accueille des enfants et des réfugiés.

« Parfois, je me sens fatiguée, mais si je vois un enfant qui souffre, j’oublie tout. Je repars au combat », sourit celle qui vient de vaincre un cancer et qui va, ce 24 octobre, inaugurer officiellement sa nouvelle école. « C’est une école maternelle et primaire, mais nous allons grandir. Elle répond à tous les standards internationaux. Je veux le meilleur pour mes enfants. La directrice de l’établissement est belge et trois enseignantes viennent aussi de Belgique. »

L’établissement va accueillir 50 % d’enfants réfugiés du Burundi ou de la République démocratique du Congo, mais aussi des Rwandais. « Je veux ce brassage, ce mixage entre les enfants d’origine plus modeste et ceux qui sont plus favorisés. Je veux qu’ils soient tous sur un pied d’égalité. Ils se côtoieront à l’école, à la cantine, dans les transports scolaires. Il faut faire tomber les barrières », poursuit Maguy qui a reçu des distinctions aux quatre coins du monde pour son combat.

« Rien ne peut m’abattre »

« Ces prix me permettent d’ouvrir des portes, c’est le plus grand avantage de ces décorations », lâche-t-elle dans un immense sourire.

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Son combat, elle l’a commencé quand elle avait 24 ans. « Un énième massacre au Burundi. J’ai adopté sept enfants sans être mariée, sans me préoccuper de savoir s’ils étaient tutsis ou hutus. » Pas question pour Maguy de jouer la carte ethnique dans une région où la stigmatisation, voire l’élimination de l’autre, sert souvent de principal programme politique. « Quand j’ai adopté mes premiers enfants, je voulais allumer une petite bougie au milieu des ténèbres d’une haine morbide. Je voulais tenir tête aux responsables de mon pays. Je ne voulais pas entrer dans leur logique. »

En s’opposant à ces politiques de ségrégation, elle s’est fait un nom, mais elle a aussi bâti de solides inimitiés dans la classe politique burundaise. En 2014, quelques mois avant que le président Nkurunziza passe en force pour décrocher un 3e mandat non constitutionnel, Maguy s’est fâchée avec le pouvoir quand un policier a abattu un adolescent. Elle n’a pas hésité à rendre toutes les décorations reçues des mains du président de la république burundaise. « J’avoue que j’ai menti pour pouvoir avoir un entretien avec le Président. Quand on s’est retrouvés dans la même pièce, je lui ai dit que s’il continuait de la sorte, le Burundi sera détruit. On était en plein carême, le 11 mars 2014. » Le Président ne lui pardonnera pas. Quelques mois plus tard, après qu’elle a ouvert un grand centre pour accueillir des enfants avec le soutien de l’Unicef, elle est avertie qu’elle est menacée de mort. Elle reçoit un SMS qui la prévient : « On a ordre de te tuer. » Elle est contrainte de fuir. Elle trouvera refuge à l’ambassade de Belgique et fera jouer tous ses contacts, notamment une relation forte qu’elle a tissée avec la grande-duchesse du Luxembourg.

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« Le pouvoir a émis un mandat d’arrêt contre moi. Je ne pouvais pas rester à l’ambassade, je me suis maquillée, j’ai mis une perruque blonde et j’ai foncé à l’aéroport. Tout le monde était dans la combine. Le vol SN m’a embarquée en dernière minute. J’étais sauve, mais je devais tout abandonner derrière moi. »

Tout est à recommencer

Des milliers de Burundais sont jetés sur la route de l’exil. « Beaucoup se sont retrouvés au Rwanda. Je suis donc partie là-bas. J’ai repris mon bâton de pèlerin pour aller chercher des fonds pour tout reconstruire. J’ai pu compter sur des institutions belges et luxembourgeoises qui m’aident depuis toujours. D’autres sont venues aussi. Vous savez au fil des ans, j’ai pu voyager, j’ai rencontré des présidents, des rois, trois papes, personne ne m’impressionne. J’ai perdu des dizaines de membres de ma famille. On m’a attachée pendant qu’on tuait mes proches sous mes yeux. J’ai vu l’enfer et j’ai côtoyé les palais. Mais je ne renoncerai jamais. On ne me fera pas taire, on ne m’arrêtera pas. Rien ne peut arrêter l’amour. Tant qu’une vie sera en danger je me lèverai », poursuit-elle.

Au Rwanda, tout était à refaire. « On a acheté des terres pour permettre aux réfugiés de cultiver, de manger, de commercer. Ce ne sont pas des mendiants. Je travaille depuis quarante ans avec des réfugiés, ce sont des gens qui ont du talent. Regardez ma tenue, ce sont eux qui l’ont confectionnée. Ils font aussi notamment les uniformes pour l’école. Ils peuvent être un apport économique pour leur pays d’accueil. Il ne faut pas les accueillir comme des handicapés. Il faut les laisser se développer. Ici, on se trompe dans la façon de les accueillir. »

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