Les militaires ont abandonné de nombreuses positions pour se replier à une vingtaine de kilomètres de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, une ville de plus d’un million d’habitants assise sur la frontière avec le Rwanda.
Furaha* pleure, enroulée dans sa robe en pagne. Cette mère de 45 ans se souvient de ce jour de mai où les rebelles ont pris sa fille pendant deux jours, avant de la relâcher.
« Elle avait refusé des avances des miliciens. Une nuit, alors que nous dormions, ils sont entrés, ils l’ont emportée et ils l’ont violée ». Elle a 15 ans.
Dans sa hutte de branches et de bâche rafistolée, Furaha poursuit son récit.
Quelques semaines après l’agression de sa fille, c’est elle et une de ses amies qui sont attaquées alors qu’elles ramassent des pommes de terre dans un champ à Nyesisi, un village sous le contrôle du M23 à 35 kilomètres au nord de Goma.
Depuis janvier, cette bourgade limitrophe du parc des Virunga a été attaquée par le M23, puis est passée sous leur contrôle. Au moins une trentaine de soldats congolais, dont un colonel, avaient été tués lors de la première attaque.
« Trois hommes m’ont violée, et six ont violé mon amie. Ils étaient tous en tenue militaire », explique Furaha.
Depuis, son mari l’a répudiée, elle se retrouve seule, déplacée dans un camp boueux de plus de 70.000 personnes, avec dix bouches à nourrir.
Toujours à Nyesisi, au mois de juin, « deux hommes en tenue de l’armée rwandaise » violent Mwiza, 34 ans. Son calvaire prend fin au moment où des tirs retentissent, provoquant la fuite de ses agresseurs.
Kinshasa accuse le Rwanda d’apporter au M23 un soutien que des experts de l’ONU et des responsables américains ont également pointé ces derniers mois. Kigali conteste, en accusant en retour Kinshasa de collusion avec les FDLR, des rebelles hutu rwandais implantés en RDC depuis le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.
« Je me suis sauvée pour aller à l’hôpital de Gisigari », poursuit Mwiza. Sur place, les médecins lui déconseillent de parler de cette histoire à son mari. « Pour ne pas qu’il me chasse », raconte la jeune femme, tête baissée, en égrenant un chapelet dans une main.
Dans le camp de Kanyaruchinya, le médecin Didier Buindo s’insurge. « Tous ces crimes doivent être punis! » Il est bénévole à la plateforme Goma Actif, une initiative citoyenne pour venir en aide aux déplacés de guerre.
Le Dr Buindo a pris en charge une dizaine de victimes de viol rien que pour ce mois de novembre.
Selon lui, des attaques à caractère sexuel ont également lieu dans les camps de déplacés au nord de Goma: « deux filles de 5 et 16 ans ont été violées dans le camp de l’école primaire de Kahembe, la plus âgée est tombée enceinte ».
Il n’y a pas que les violences sexuelles que subissent les habitants en fuite du territoire de Rutshuru.
Augustin, 32 ans, boite à cause de la douleur. Malgré l’opération chirurgicale qu’il a reçue dans l’unité de prise en charge des blessés de guerre du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Goma, il est toujours souffrant.
« C’était en août, je revenais de mon champ à Kibumba (30 km au nord de Goma) quand les M23 m’ont tiré dessus », affirme-t-il. Une des balles s’est logée dans sa jambe gauche.
Quant à Mutoni, 22 ans, c’est au visage qu’un projectile l’a frappée, au mois d’août également. Elle porte aujourd’hui une cicatrice. « Un élément du M23 m’a tiré dessus à bout portant », raconte la jeune femme, qui sur-le-champ a fui son village de Kurigikeri, près de Kibumba, pour chercher refuge dans les camps de la périphérie de Goma.
Mutoni est une rescapée. Sa nièce, qu’elle tenait dans ses bras, a été tuée sur le coup par la même balle.
(*Tous les prénoms des victimes ont été modifiés)
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