Près de deux mois que Stanis Bujakera, correspondant du magazine Jeune Afrique, de Reuters et codirecteur du site d’information congolais Actualite.cd est derrière les barreaux en République démocratique du Congo. Il est accusé par le pouvoir en place de “faux en écriture, falsification des sceaux de l’État, propagation de faux bruits” et “transmission de messages erronés et contraires à la loi” après la publication d’un article dans Jeune Afrique.
L’article mis en cause, qui n’est pas signé par le journaliste Stanis Bujakera mais par la rédaction du magazine Jeune Afrique, a été diffusé fin août et se fondait sur une note confidentielle présentée comme émanant des services de renseignements civils (ANR), mettant en cause les renseignements militaires et notamment le patron de ce service, le général Christian Ndaywell, dans l’assassinat mi-juillet de l’ancien ministre des Transports et opposant Chérubin Okende.
Député de Kinshasa, Chérubin Okende était devenu porte-parole du parti Ensemble pour la République du Moïse Katumbi, le principal adversaire du président Tshisekedi dans l’optique de l’élection présidentielle toujours annoncée pour le 20 décembre prochain.
Rapidement après cette publication, les autorités congolaises ont expliqué que ce document était un faux et ont soupçonné, sans jamais avancer la moindre preuve, Stanis Bujakera d’être l’auteur de ce faux.
« Des accusations qui ne tiennent pas »
Lors d’une mission récente à Kinshasa, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) a enquêté sur cette note et, pour l’organisation de défense de la presse, aucun doute : celle-ci est authentique et, surtout, elle circulait avant d’être révélée par le magazine français. Pour Arnaud Froger, responsable du bureau d’investigation de RSF : “Si l’accusation avait réellement eu pour intention d’identifier la provenance de ce document, il eût été très simple de constater qu’il avait déjà circulé avant même que le journaliste ne l’obtienne. Avec des accusations qui ne tiennent pas, que cherchent réellement ceux qui ont décidé d’arrêter ce journaliste ? Maintenant qu’un procès s’est ouvert malgré l’absence totale d’éléments à charge, Stanis Bujakera devrait au moins pouvoir défendre son honneur et son intégrité en homme libre”.
L’ONG met à mal les sorties médiatiques des communicateurs de la RDC qui ont nié l’authenticité de ce document comme l’a fait sur les antennes de la RTBF, le responsable de la communication présidentielle Erik Nyindu, qui, le 28 septembre, sur La Première, martelait “cette note n’a jamais été écrite par l’ANR” avant de poursuivre en expliquant “l’enquête a prouvé que c’était lui (Stanis Bujakera) qui était l’auteur de cet article” sans jamais en apporter la preuve, ni expliquer comment il était en possession de ces éléments d’une enquête toujours en cours.
Quelques jours plus tôt, c’était le ministre de l’Intérieur Peter Kazadi qui avait qualifié le document de faux après un “examen interne”. Selon le ministre, le document avait été “indûment attribué à l’ANR” pour “désorienter l’opinion publique”. Une fois encore, pas la moindre preuve n’a été avancée pour justifier cette sortie.
Pour RSF, le journaliste doit être remis en liberté et les charges qui pèsent contre lui doivent être abandonnées. L’ONG n’est pas la seule a demandé la fin de ces poursuites, quatorze mouvements citoyens congolais, dont la Lucha et Filimbi, demandent, eux aussi, la libération du journaliste et des autres prisonniers politiques, dans un communiqué commun publié ce 2 novembre.
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