Sur le terrain, plusieurs témoignages parlent de la prise de Kibumba par les hommes du M23. L’armée congolaise dément. Mais les rebelles semblent pourtant poursuivre leur avancée malgré l’utilisation des avions Sukhoï et de l’artillerie lourde congolaise depuis quelques jours.
Le porte-parole du M23 a expliqué que ces bombardements faisaient surtout des victimes chez les civils et il répète que la « mission » du M23 est aujourd’hui de « mettre un terme à ces bombadements en allant occuper la source de ces ennuis », soit l’aéroport de Goma.
Selon plusieurs témoignages, ce dimanche soir, les rebelles seraient à moins de 20 kilomètres de l’aéroport de Goma, la capitale du Nord-Kivu où sont arrivés samedi une centaine de militaires Kényans. Au total, le parlement de Naïrobi a autorisé le déploiement de 900 hommes dans le cadre de l’accord entre les pays membre de l’East African Community (à l’exception notoire du Rwanda).
La progression des rebelles est constante et ils ont réussi, à la veille de ce week-end, à mettre la main sur quatre chars abandonnés par les soldats de l’armée congolaise qui tentent, malgré tout, de résister face à l’avancée des rebelles.
Kinshasa, par la voie de son minisre des Affaires étrangères, a ouvert la porte à une reprise des négociations avec le M23 mais pas à n’importe quel prix. « Nous devons avoir un dialogue, mais nous ne négocierons jamais sur l’intégrité territoriale, la souveraineté, l’indépendance de notre pays et le bien-être de nos populations », a-t-il déclarer avant d’énumérer une liste de conditions auxquelles doit se plier le M23 : cesser ses activités criminelles, se retirer des localités occupées, autoriser nos compatriotes chassés par la violence à revenir à leurs domiciles et que cesse tout soutien à tous groupes armés et dans le cas d’espèces le M23… « Si cela est fait nous sommes ouverts à des discussions », a-t-il poursuivi.
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Des négociations pour lesquelles plaident aussi les différents médiateurs qui sont passés par Kinshasa – parfois aussi par Kigali – ces derniers jours (comme le président angolais Joao Lourenco ou l’ancien président du Kenya Uhuru Kenyatta). Des médiateurs qui tentent aussi de faire retomber un peu la pression qui est à son paroxysme entre Kinshasa et Kigali.
Une négociation qui ne fait pas l’unanimité
Dans les couloirs du pouvoir de Kinshasa, la volonté de se mettre autour de la table des négociations avec les représentants du M23 ne fait pas l’unanimité. Pour quelques proches du président, il s’agirait d’un « camouflet ». Les rebelles sont encore régulièremen traités de terroristes par des tenants du pouvoir qui rappellent qu’ »on ne négocie pas avec ces gens-là ». Ce srait un aveu de faiblesse inacceptable pour plusieurs proches du chef de l’État qui préfèrent « en finir un bonne fois pour toutes avec la menace que représente continuellement Kigali ». En face, certains rappellent que des responsables du M23 ont « négocié à Kigali avec des représentants des autorités congolaises en juillet 2019 pour déposer les armes, être intégrés dans l’armée de la RDC et voir lever les mandats d’arrêt qui avaient été dressés contre certains des chefs rebelles mais que tout ce processus n’a pas été poursuivi par certains responsables », ce qui démontre les tensions qui règnent dans le premier cercle du président.
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Un vrai défi pour le président Tshisekedi
Un président qui a reçu les communautés tutsie et hutue conglaises la semaine dernière. A la première, il a tenu à donner des gages de sécurité et insisté sur le refus d’amalgame. Avec les Hutus, il s’est montré plus critique à l’égard de Kigali mais sans outrance.
La balle est dans le camp du président Tshisekedi qui a réussi à faire taire nombre de critiques à son égard, à faire, notamment, oublier certaines interrogations sur le processus électoral ces derniers jours en se drapant dans les habits du « chef de guerre ». Mais cette stature ne peut durer que si elle débouche sur une victoire sur le terrain, ce qui n’est pas garanti au vu des dernières évolutions. Et le doute est permis sur l’engagement des troupes des États voisins qui se déploient sans se presser parallèlement aux casques bleus déjà présents depuis plus de 20 ans. Le passé récent des interventions ougandaises et cette multiplications d’armées étrangères dans l’est de la RDC ne rassurent pas.
Félix Tshisekedi peut-il prendre le chemin de la table de négociation dans ce contexte ? Il faudra expliquer/justifier cette position à une population qui a montré sa détermination face à un ennemi qu’elle a identifié clairement. Une population qui a aussi constaté que, jusqu’ici, aucune des mesures prises par le successeur de Kabila pour éteindre les tensions dans l’est du pays n’a eu le moindre effet positif. Un échec symbolisé par les états de siège décrétés il y a 18 mois en Ituri et dans le Nord-Kivu qui n’ont fait qu’empirer la situation.
Si Félix Tshisekedi opte pour l’option militaire, outre le danger d’un échec sur le terrain, il prend le risque de se mettre à dos la plupart de ses voisins qui n’ont pas ménagé leurs peines pour éviter ce scénario. Il s’en trouverait donc isolé.
Les prochains jours s’annoncent périlleux au Cngo et dans toute la sous-région.
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