”Le M23 continue de progresser dans le Masisi. Il a repris des positions qui étaient occupées par les troupes de l’East african community. Les fameux Wazalandos (supplétifs de l’armée congolaise, NdlR) n’ont rien pu faire”, explique un membre d’une institution onusienne installé depuis quelques années à Kinshasa. “Le M23 donne le sentiment de vouloir progresser plus vite. Il connaît évidemment parfaitement la région. Il ne faut pas oublier qu’ils l’ont occupé un certain temps”, poursuit-il.
Les avancées du M23 sont également signalées dans le Rutshuru et dans le Niyragongo. “Ils sont aux portes de Goma”, confirme Bob Kabamba, professeur en sciences politiques à l’Université de Liège qui ajoute : “ils ne vont pas s’arrêter là”. Rentré ce week-end d’un séjour en République démocratique du Congo, l’universitaire insiste sur l’isolement du pouvoir congolais dans la région. “Tout le monde dans la région demande au président de négocier et lui ne veut pas. Il est difficile de solliciter une aide de ces pays dans ce contexte”.
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Une fois de plus, la RDC appelle à l’aide des pays de la région dans sa guerre contre le M23 et donc, selon Kinshasa, contre le Rwanda. Le message a de nouveau été seriné par les autorités congolaises lors du sommet des chefs d’État de la région d’Afrique australe (SADC) qui s’est tenu le 4 novembre à Luanda.
Il y était question d’un débat sur l’envoi et le déploiement de troupes de la SADC dans l’est de la RDC. Au final, si les pays de la SADC ont exprimé leur “préoccupation face à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est de la RDC”. Les détails de l’avenir de cet éventuel déploiement militaire régional sont toujours attendus. Aucune force n’a été annoncée, aucun calendrier, aucune action. Selon certaines sources, venues du Congo, l’Afrique du Sud, le Malawi et la Tanzanie seraient partants pour cette mission. Mais les différents interlocuteurs contactés mettent en doute cette piste. L’Afrique du Sud et la Tanzanie sont déjà impliquées dans les troupes de la Monusco. Sans oublier que la Tanzanie a déjà eu son lot de morts en RDC, que ce soit dans des combats contre des rebelles ou lors d’échauffourées avec les populations locales.
L’inconstance congolaise
Tout en appelant la SADC à la rescousse, la RDC demande toujours le départ de la mission de paix des Nations unies (Monusco) et des troupes de l’East african community (EAC). Pourtant, face à l’avancée des rebelles du M23, cette mission des Nations unies s’est lancée dans une opération, baptisée Springbok, de défense des villes de Goma et de Saké, en partenariat avec les forces armées congolaises (FARDC). “Nos troupes sont déployées dans toute la région et si jamais le M23 s’approchait de ces villes, la Monusco et les FARDC défendraient la population civile”, a promis le général Miranda Filho, commandant de la force onusienne.
”Cette attitude de la Monusco démontre surtout l’impuissance de l’armée congolaise”, insiste un diplomate “médusé par le comportement de Kinshasa qui joue les fiers à bras mais est toujours incapable de s’opposer à l’avancée d’un mouvement rebelle”.
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Tous les interlocuteurs soulignent les sommes colossales investies “officiellement” par Kinshasa pour l’achat d’armes et le financement de troupes étrangères, citant les FDLR rwandais ou les instructeurs venus de l’Europe de l’est. “Kinshasa utilise la même terminologie pour parler de ses mercenaires loués à prix d’or que le président russe Vladimir Poutine quand il évoque les hommes de Wagner”, ajoute un de nos interlocuteurs qui rappelle que “le ministre congolais de la Défense, Jean-Pierre Bemba, a posé en compagnie de certains d’entre eux lors d’un de ses passages à Goma”. Une réalité qui rend difficile toute prise de position internationale en faveur de Kinshasa qui, une fois de plus, ce week-end, à Luanda, la capitale angolaise n’a pu obtenir la moindre condamnation du Rwanda que le gouvernement Tshisekedi présente comme le parrain, voire l’unique géniteur de la rébellion du M23.
Remise en cause du scrutin
Dans ce contexte de progression du M23, difficile voire impossible d’envisager un scrutin dans les zones en guerre. “Tshisekedi a rêvé un temps d’une victoire contre le M23 ou même le Rwanda. C’eut été son meilleur et son argument de campagne. Il a compris aujourd’hui qu’il n’en serait rien”, poursuit un interlocuteur.
Il tente donc, après avoir appelé les pays de l’est africain à la rescousse, de motiver les pays d’Afrique australe… qui devraient remplacer les premiers arrivés priés de plier bagage pour le 8 décembre. “C’est le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, qui a annoncé unilatéralement le fait que le mandat de l’EAC ne serait pas prolongé. Or, c’est une décision qui ne revient pas à la RDC mais à un sommet des chefs d’État de l’EAC”, explique Bob Kabamba, qui rappelle que “la Tanzanie est à la fois dans l’EAC et dans la SADC”. “Elle serait donc rejetée pour incompétence d’un côté et courtisée de l’autre”, confirme, dépité, le membre d’une structure internationale basé en Afrique centrale.
Le front à constituer pour freiner l’avancée des rebelles s’avère particulièrement compliqué à mettre en place. À quelques reprises, lors de ses dernières sorties, le président Tshisekedi a fait entendre une petite musique qui évoquait la possibilité d’un report du scrutin du 20 décembre, notamment si la ville de Goma devait tomber entre les mains des rebelles. “Cela arrangerait la Ceni qui est en retard sur son calendrier très serré” ; explique une source proche du dossier. “Qui osera annoncer ce report ?”, interroge un diplomate. Pour obtenir ce report, Félix Tshisekedi sera obligé de s’asseoir à la table des négociations avec l’opposition, les Églises et peut-être des représentants des pays voisins, tous éreintés par la gestion catastrophique non seulement de cette crise mais également du pays par le régime actuel. “Il sait que s’il rentre dans cette négociation, il devra faire une croix sur un second mandat”, assène un diplomate africain roué à la gestion des crises sur ce continent.
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