Cinquante-six mois après la proclamation de sa victoire à l’élection présidentielle en République démocratique du Congo, le président Félix Tshisekedi a rallumé un débat que tout le monde pensait éteint à quatre mois de la prochaine échéance électorale.
À New York, en marge de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies, le chef de l’État congolais est revenu sur les conditions de sa victoire de décembre 2018.
“Aucun accord avec Kabila”
Pour le président Tshisekedi, “il n’y a jamais eu d’arrangements entre Joseph Kabila et moi”. Le président Tshisekedi évoque une rencontre avec deux caciques du régime de Joseph Kabila, Raymond Tshibanda, ministre des Affaires étrangères, et Néhémie Mwilanya, directeur de cabinet du président sortant. Les deux hommes auraient tenté de faire pression sur Tshisekedi pour qu’il accepte le poste de Premier ministre du candidat désigné par Joseph Kabila pour la présidentielle, Emmanuel Shadary. “Je leur ai dit que je ne suis pas prêt pour le deal parce que je suis le gagnant au vu des résultats que j’avais en ma possession”, a expliqué le président congolais devant le parterre new-yorkais.
L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Corneille Nangaa, grand coordonnateur des scrutins de 2018, placé sur la liste des personnes sanctionnées par les États-Unis depuis mars 2019 pour “des actes de corruption répétés” et pour avoir “sapé le processus démocratique en RDC (!)” n’a pas attendu pour réagir. Après avoir été l’homme de Kabila, Corneille Nangaa, tout en conservant des liens étroits avec l’ancien chef de l’État, s’était rapproché de Tshisekedi avant de finalement prendre le chemin de l’exil il y a sept mois, non sans avoir fondé son parti politique et annoncé son intention d’être candidat à la présidentielle.
Dans son communiqué publié sur X, Corneille Nangaa affirme en parlant de cette sortie du président Tshisekedi : “Il a simplement menti et il le sait. Un accord politique existe bel et bien et il a précédé la publication des résultats définitifs. J’en suis l’un des corédacteurs”. Un peu plus loin dans le texte, il explique que ce document a été signé devant témoins par le président Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila et qu’il “a été certifié et validé par trois chefs d’États africains qui ont félicité cet accord du fait qu’il permettait la première passation de pouvoir sans effusion de sang en RDC”.
Les doutes de l’Union africaine
En janvier 2019, quelques jours après l’annonce de la victoire de Tshisekedi par la Ceni, de nombreux États du continent ont craint une vague de violence en RDC. Les chiffres récoltés dans les bureaux de vote par la société civile congolaise et les observateurs des Églises catholiques et protestantes donnaient tous une large victoire à Martin Fayulu, candidat d’une plateforme de l’opposition qui réunissait la plupart des grands opposants à Kabila, de Bemba à Katumbi en passant par Muzito.
Face à cette annonce de la victoire de Félix Tshisekedi, le président de l’Union africaine (UA) du moment, le Rwandais Paul Kagame, soutenu par le président du Conseil Moussa Faki, avaient lancé, le 17 janvier 2019, un appel aux autorités congolaises pour qu’elles suspendent la proclamation des résultats. Motif de cet appel exceptionnel : “le manque de crédibilité des chiffres annoncés par la Ceni”, expliquait à l’époque à La Libre un diplomate africain. Dans la foulée, l’UA annonçait la venue à Kinshasa des plus hautes autorités de son institution “pour un tour de table avec les principaux acteurs politiques de cette crise électorale”. Le lendemain, 18 janvier, la Cour constitutionnelle passait outre cette demande et proclamait nuitamment la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle et le raz-de-marée des candidats du FCC de Kabila à l’Assemblée nationale. Le téléphone avait chauffé dans les heures qui ont suivi cet appel et les présidents de la région, le sud-africain Cyril Ramaphosa en tête (un des trois présidents témoins de cet accord électoral), avaient reçu des garanties que l’opposition congolaise n’appellerait pas à la mobilisation de la rue.
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