RDC: Tshisekedi se bâtit une équipe sur mesure pour aller aux élections

RDC: Tshisekedi se bâtit une équipe sur mesure pour aller aux élections

Les éléphants ont accepté de s’assagir pour aller à la mangeoire”, explique, sans fard, un observateur de la vie politique congolaise qui se dit “peu surpris” par ces entrées au gouvernement de Vital Kamerhe, Jean-Pierre Bemba ou même Antipas Mbusa Nyamwesi.

Trois hommes, trois poids lourds, trois provinces qui devraient (ou laisser croire qu’ils pourraient) rapporter un paquet de voix au président sortant dans l’optique du scrutin présidentiel toujours annoncé pour le 20 décembre prochain (voir ci-contre) malgré les couacs à répétition dans l’enregistrement des électeurs toujours en cours en République démocratique du Congo.

Jean-Pierre Bemba décroche la Défense nationale, Vital Kamerhe le portefeuille de l’Économie et Mbusa Nyamwesi celui de l’Intégration régionale. Les trois hommes connaissent bien le chef de l’État, ils étaient ensemble en 2018 quand l’opposition congolaise pensait pouvoir parler d’une seule voix face au poulain de Joseph Kabila… jusqu’au 12 novembre de cette année-là, au lendemain de la désignation à Genève par ce quatuor, flanqué de Moïse Katumbi, Adolphe Muzito et Freddy Matungulu, de Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition. Un candidat unique qui ne le fut que 24 heures, le temps pour le tandem Tshisekedi – Kamerhe de renier son engagement et de partir en duo à la conquête de la présidence. Un pari douteux qui permettra pourtant à Félix Tshisekedi de s’installer à la tête de l’État, au terme d’un accord électoral qui ne se souciera pas du vote des électeurs. (On attend toujours la publication du premier P.V. électoral de cette élection).

Un peu plus de quatre ans après ce hold-up électoral, Corneille Nanga, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), grand organisateur de cette élection et principal artisan de cette supercherie, désormais candidat à la présidentielle, a reconnu publiquement qu’il s’agissait d’un “accord électoral” et non d’une victoire obtenue dans les urnes.

Partage du gâteau du second mandat

Jean-Pierre Bemba comme Vital Kamerhe se seraient bien vus au poste de Premier ministre. Mais Félix Tshisekedi, en marionnettiste patenté, est parvenu à ne pas trancher. Ils seront tous les deux-vice-Premier ministre. Sama Lokonde rempile à la tête de l’exécutif. Un moindre mal pour la présidence qui peut ainsi se prévaloir de conserver un Katangais (la province la plus riche, celle de Kabila et de son principal adversaire Moïse Katumbi) à la tête du gouvernement. Un Premier ministre déjà tout heureux de garder son strapontin, qui ne fera aucune ombre à ces nouveaux venus pour la dernière ligne droite de cette mandature qui devrait s’achever dans neuf mois.

La cohabitation entre ces poids lourds ne sera pas nécessairement évidente mais en acceptant d’entrer dans cette équipe, “ils ont montré, pour reprendre une image footballistique, qu’ils avaient vraiment besoin de temps de jeu pour accepter de monter sur le terrain sans avoir le brassard de capitaine”, poursuit notre observateur qui, comme plusieurs autres témoins, pointe le poste attribué à Vital Kamerhe. L’Ancien allié de Kabila, entré dans l’opposition avant de devenir le partenaire de Tshisekedi a en effet été condamné à 20 ans de prison en première instance (ramené à 16 ans en appel, avant que le jugement ne soit cassé) pour détournement de fonds publics. “Si c’est avec les braconniers qu’on fait les meilleurs gardes-chasses, l’économie congolaise sera un exemple”, s’amuse un diplomate.

Les troupes du président Félix Tshisekedi sont désormais en ordre de bataille pour la présidentielle. Le chef de l’État s’est assuré les services du faiseur de voix dans le Grand Équateur qu’est Jean-Pierre Bemba, il a dans sa poche les deux hommes forts du Sud-Kivu que sont Vital Kamerhe et Modeste Bahati, le président du Sénat, et dans le Nord-Kivu, il peut compter sur Mbusa Nyamwesi et Julien Paluku (qui conserve le ministère de l’Industrie). Dans un scrutin à un tour, avec une mainmise sur la Ceni et la Cour constitutionnelle, en se souvenant du scénario de 2018, ce nouvel organigramme doit permettre au pouvoir d’envisager de prolonger son bail à la tête de l’État.

L’opposition obligée de répondre

Le Kasaï, terre familiale de Tshisekedi étant acquis, la structure mise en place se permet de snober quelque peu le Grand-Bandundu et le Maniema terres de Matin Fayulu et de Matata Ponyo mais aussi le Katanga où le pouvoir espère atténuer le poids de Moïse Katumbi grâce à la présence et l’enregistrement… massif des Kasaïens qui ont migré vers cette province.

Face à cette machine présidentielle, ces opposants doivent rapidement pouvoir apporter une réponse en parvenant à s’unir et à mettre en avant un nom. Reste à voir le rôle que pourra (voudra) jouer l’Église catholique éreintée par la présidence de Tshisekedi. La même question se pose pour l’ancien président Joseph Kabila, inaudible jusqu’ici. L’homme de Kingakati doit sourire dans sa barbe en découvrant que les membres de sa famille politique qui l’ont abandonné ces derniers temps (Mende, Boshab,…) n’ont pas trouvé de place dans le casting présidentiel.

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