“C’est le pays des promesses, des engagements non tenus”, explique à La Libre Willy Mukishi, un habitant de la province de l’Ituri qui constate, amer, l’échec de l’état de siège décrété il y a près de deux ans dans sa province et celle du Nord-Kivu.
Dieudonné Lossa Dhekana, le coordinateur des forces vives de la société civile de la même province ne dit rien d’autre en tirant le bilan des exactions commises entre le 1er janvier et le 28 avril. “On dénombre 473 civils massacrés par les différents groupes armés actifs chez nous, 46 personnes enlevées, essentiellement des femmes et des enfants, plus de 688 maisons incendiées,…” et cette liste des violences n’est pas exhaustives. M. Lossa Dhekana relève aussi que “de nombreuses routes nationales et provinciales sont impraticables. Trop souvent, la population ne peut plus accéder à ses champs à cause de l’omniprésence des groupes armés qui les rançonnent et les agressent sans cesse. C’est évidemment l’échec de l’état de siège”. Les forces vives de la province frontalière de l’Ouganda et du Soudan du Sud en appellent au président de la République Félix Tshisekedi pour qu’il mette sur pied “une table ronde sur la sécurité, la paix et le développement en Ituri dans les 30 jours comme il en a fait la promesse aux leaders communautaires à la cité de l’OUA, le 15 mars dernier”.
RDCongo: état de siège en Ituri et au Nord-Kivu: un rapport parlementaire qui décoiffe
Qui fait quoi ?
Un peu plus au sud, dans la province du Nord-Kivu, dans le territoire de Masisi, certains civils ont décidé de regagner leur village après que les rebelles du M23 ont évacué les zones qu’ils occupaient. “Je vais rentrer avec quelques voisins, uniquement les hommes”, explique Patrick M. ” Les femmes et les enfants vont rester dans le camp de réfugiés, le temps que je découvre la situation sur place. Si tout va bien, nous vendrons les rechercher rapidement, ce n’est pas une vie de rester dans ces camps”.
S’il se montre prudent, c’est “parce que, j’ai déjà dû fuir cinq fois ces dix dernières années en abandonnant presque tout derrière moi. Alors, quand on nous annonce que la guerre est finie, on est prudent.” Même constat pour un de ses voisins qui avoue ne pas comprendre le retrait des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon plusieurs rapports du Conseil de sécurité de l’ONU, qui “n’étaient pas menacés. Ils ont conquis un vaste territoire pratiquement sans combattre. La plupart du temps, les militaires congolais ont fui dès qu’ils sont arrivés et ce ne sont pas les bérets rouges burundais arrivés dans le cadre de l’accord sur le déploiement des troupes des pays de l’East african Community qui pourraient faire le poids face à eux. D’ailleurs au début du déploiement des troupes burundaises, les hommes du M23 ont continué à administrer une partie du territoire à leur guise. Quand ils percevaient des taxes, notamment sur tous les véhicules qui circulaient sur les axes qu’ils contrôlaient, ceux qui relient le Masisi à Goma, ils remettaient des reçus au nom du Département des finances de la République démocratique du Congo. Ils avaient installé une vraie administration, ils semblaient être partis pour rester et finalement, ils ont abandonné ces positions. C’est très surprenant”.
Multiplication des milices
D’autant plus étonnant qu’à quelques kilomètres de là, dans le territoire du Rutshuru, toujours dans le Nord-Kivu, les hommes du M23 sont toujours visibles. “C’est une manière de prouver leur puissance et que personne ne peut les déloger. C’est une partie de poker où le gouvernement n’est plus à la table de jeu”, explique un élu de la région. “Les zones dont ils se sont retirés dans le Masisi sont observées par les troupes de l’East african community, mais l’armée régulière congolaise n’est pas au rendez-vous. La plupart du temps, ce sont des milices ; souvent officiellement hors-la-loi, qui ont pactisé avec Kinshasa qui occupent les lieux et prélèvent les taxes”.
Un pouvoir central absent, des rebelles qui agissent en toute impunité en l’absence de l’armée nationale et sous les yeux des troupes étrangères qui répètent qu’elles sont déployées pour observer pas pour combattre. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir une multiplication des groupes armés qui pillent, violent et tuent les civils. De l’Ituri au Tanganyika, en passant par les deux Kivu et le Maniema, ils seraient désormais 252 groupes armés locaux et 14 étrangers, selon des ONG locales.
Soyez le premier à commenter