« Si elle veut s’en sortir sur le long terme et espérer en finir définitivement avec ces innombrables agressions de milices, de troupes diverses et variées, la République démocratique du Congo doit restructurer son armée”, expliquait il y a plusieurs mois déjà Jean-Jacques Wondo, expert militaire congolais qui émettait alors de vifs doutes sur la réussite de la mission des troupes de l’East African Community (EAC) dans la perspective du retour de la paix dans l’est du pays ravagé depuis plus d’un quart de siècle par des conflits à répétition qui ont provoqué au moins des dizaines de milliers de morts et jeté sur les routes de l’exil des millions de Congolais.
Embouteillages militaires
Depuis le début du millénaire, un contingent de troupes internationales, sous mandat de l’ONU (ils sont encore plus de 17 000 militaires et policiers venant de 60 pays au sein de la Monusco) est présent en République démocratique du Congo dans le cadre d’une mission de maintien de la paix qui engloutit chaque année, depuis l’an 2000, plus d’un milliard de dollars.
L’incapacité des troupes onusiennes à maintenir la paix dans l’est de la RDC a régulièrement suscité des vagues de mécontentement dans la société congolaise, souvent instrumentalisée par le pouvoir en place à Kinshasa, que ce soit sous l’ère Kabila ou, plus encore aujourd’hui, sous l’ère Tshisekedi.
Succession de vaines promesses
Lors de la campagne présidentielle de 2018, Félix Tshisekedi avait promis d’installer l’état-major de l’armée congolaise (FARDC) dans l’est du pays pour faire face aux dizaines de groupes armés actifs essentiellement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.
Le lundi 7 octobre 2019, pour son premier voyage dans l’est de son pays (après un séjour de trois semaines à l’étranger), le président de la République, qui n’a toujours pas installé le QG de son armée dans la région, annonce lors de son passage à Bukavu, le chef-lieu du Sud-Kivu qu’il est “prêt à mourir” pour la paix dans l’est du pays. “Notre combat sera celui de vous apporter la paix, une paix définitive, une paix nécessaire pour la stabilité de notre pays”, déclare-t-il avant d’ajouter, solennel, “Et cette paix, croyez-moi, je suis prêt à mourir pour qu’elle soit une réalité”.
RDC : Il y a un an, Félix Tshisekedi annonçait être prêt à mourir pour la paix dans l’Est
Un an et demi plus tard, en mai 2021, ce sera l’instauration de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Un énième emplâtre sur une jambe vermoulue qui ne donnera aucun résultat. La violence continue, les morts s’entassent, les exilés sont chaque jour plus nombreux ;
La RDC décide alors de mobiliser l’East African Community, une institution qu’il a rejointe le 29 mars 2022. Kenya, Burundi, Soudan du Sud, Ouganda s’engagent à intervenir comme une “force tampon” entre les rebelles du M23 qui occupent un vaste territoire de l’Ituri et du Nord-Kivu et les FARDC. Pas question pour ces troupes de s’engager dans des combats et de suppléer la défaillance de l’armée congolaise.
Entre la réalité de l’accord signé le 8 septembre 2022 entre les membres de l’EAC et le message des dirigeants congolais, il y a plus qu’une nuance. Un discours politique irresponsable qui laisse penser à la population que ces troupes vont “chasser” les rebelles alors qu’elles sont venues pour occuper les territoires que le M23 accepte d’abandonner. L’incompréhension fera rapidement place à la colère de la population qui, après avoir exigé le départ d’une Monusco jugée incapable de ramener la paix, appelle déjà au départ des troupes de l’EAC alors que les premiers éléments du Soudan du Sud sont arrivés au début du mois d’avril dernier.
À huit mois du scrutin présidentiel, la colère du peuple devient rapidement la grogne de la présidence congolaise qui s’est avantageusement souvenue qu’elle était à la tête de la Communauté des États d’Afrique australe (SADC). Lors du dernier sommet à Windhoek, en Namibie, Félix Tshisekedi a fait pression sur cette structure pour qu’elle s’engage à son tour pour le retour de la paix dans l’est du Congo. Le 8 mai dernier, la SADC a pris l’engagement d’envoyer ses troupes pour une “mission d’accompagnement des FARDC”. Une fois de plus, il ne s’agit pas de faire le travail à la place de l’armée congolaise. Qui plus est, si la SADC a donné son accord, les dates de cette mission et le nombre de soldats n’ont pas été définis. “Ils ne sont pas pressés de venir dans ce bourbier quand ils voient comment ça se passe pour les troupes de l’EAC”, explique un diplomate basé à Kinshasa.
La SADC apprécie ce pied de nez à l’EAC mais certaines capitales de la région, et pas des moindres, traînent les pieds. L’Afrique du Sud, notamment, met en avant le fait qu’elle participe déjà à la Monusco, le Zimbabwe, souligne qu’un embargo militaire le pénalise, tandis que la présidence angolaise a épinglé son rôle de médiateur désigné par l’Union africaine pour un dialogue entre la RDC et le Rwanda, justifiant ainsi sa neutralité et le non envoi de troupes en RDC.
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Bref, jusqu’ici, à part la Namibie, les autres États de la SADC brillent par leur discrétion. Sans calendrier, ce énième déploiement se fera attendre. Or, le président Tshisekedi est tenu par un agenda électoral et une absence de tout résultat lors de son quinquennat. Ce déploiement et une avancée, aussi ténue soit-elle, vers un retour à la paix dans l’est sont des arguments majeurs sur lesquels il compte, presque désespérément, pour sa campagne
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