« Ils sont à quelques kilomètres au nord de Goma et ils progressent aussi désormais vers le sud-ouest. Ils se dirigent en direction de Saké », explique Claude Mabenga, arrivé il y a peu dans la capitale du Nord-Kvu, après avoir fui les combats à Kibati. « Cette fois, on ne bouge plus. On arrête de fuir. Si les rebelles doivent prendre Goma, on restera. Nos soldats ne nous protègent pas. C’est chaque fois la même chose, ce sont les premiers à fuir. À la première occasion, nous retournerons sur nos terres, même si c’est le M23 qui les administre. Pour nous, finalement, ça ne change rien ».
« Ils veulent éviter de faire couler le sang à Goma. Les rebelles foncent en direction de Saké, dans le territoire de Masisi (Nord-Kivu). L’opposition de l’armée congolaise les freine à peine. Une fois qu’ils auront pris Saké, ils auront complètement isolé Goma », poursuit une commerçante de Goma qui « les attend » résignée et en colère contre les autorités de Kinshasa qu’elle juge responsables de la situation actuelle. « Tshisekedi a fait des promesses à tout le monde. Avec le départ de Kabila, beaucoup ont cru que les choses allaient changer. Il a parlé avec les présidents kagame et Museveni mais il n’a jamais respecté ses engagements. Il a pensé qu’il pouvait jouer la carte ougandaise contre les Rwandais. Mais il a perdu. » Et la dame de mettre en exergue l’occupation par les rebelles du M23 du poste frontière de Bunagana depuis près de 5 mois. « Cette ville est sur la frontière avec l’Ouganda et ce pays ne bouge pas. Par contre, on nous explique que ces mêmes Ougandais ont envoyé des troupes chez nous pour lutter contre les groupes rebelles. On se moque vraiment de nous. »
Jeudi pour la seconde fois après une première intervention le 8 novembre dernier, les forces congolaises ont fait intervenir leurs deux chasseurs Sukhoï-25. Des bombardements ont été signalés au nord de Goma, mais sans sembler freiner la progression des rebelles.
Négociations mais avec qui ?
La communauté internationale dans son ensemble appelle les rebelles à déposer les armes et à la reprise des négociations entre Kinshasa et le M23. Uhuru Kenyatta, l’ancien président kénya, « facilitateur » désigné par la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC), a lui aussi appelé les groupes armés à « déposer les armes ». Il a par ailleurs annoncé qu’une nouvelle session de pourparlers de paix est prévue le 21 novembre à Nairobi. Mais qui sera à la table des négociations? À Kinshasa, le président Tshisekedi n’a cessé de marteler que le M23 est un groupe terroriste et qu’ »on ne négocie pas avec les terroristes ». Il a été conforté dans sa position par son Assemblée nationale qui a confirmé ce point de vue. Dans la foulée de ces prises de position, le président de la République a aussi appelé à une mobilisation populaire en soutien aux Forces armées de la République démocratique du Congo. Selon les sources officielles, « plusieurs milliers de jeunes gens ont répondu favorablement à cet appel aux quatre coins du pays ». Des jeunes recrues dont on ignore le nombre exact et le rôle qu’entend leur faire endosser l’état-major armé alors que les militaires sur le terrain se plaignent du manque d’armement, de munition et même de vivres et de vêtements.
Des manifestations de soutien aux militaires et hostiles au M23 et au Rwanda ont été organisées avec succès dans plusieurs villes du pays. Dans ce contexte, il sera difficile pour les autorités congolaises de se dédire et de se retrouver à la table des négociations avec le M23. Des rebelles qui continuent d’affirmer, eux, qu’ils sont prêts à négocier mais pas à n’importe quel prix.
La chute de Goma avant ce 21 novembre, date d’un éventuel premier tour de table entre différentes parties, assoirait encore un peu plus les rebelles du M23 et affaiblirait d’autant le pouvoir de Félix Tshisekedi qui voit aussi ressurgir au sein de son parti, l’UDPS, des querelles de leadership qui compliquent encore un peu plus sa position à treize mois de la prochaine présidentielle pour laquelle il n’a jamais caché ses ambitions…
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