La semaine dernière, le Parlement angolais a donné son aval pour l’envoi d’un bataillon de l’armée nationale dans le Nord-Kivu. Pas question de mission offensive contre les rebelles du M23 qui occupent une large part du territoire de cette province, mais bien une mission de paix et de surveillance pour les futurs cantonnements de ces rebelles.
Dans la foulée de cette annonce, la présidente tanzanienne, Samia Suluhu, a confirmé l’envoi de troupes dans le cadre de la mission dévolue, dans l’est de la République démocratique du Congo, aux membres de l’East African Community (à l’exception du Rwanda). Mais elle a surtout tenu à démentir les informations abondamment relayées par les responsables congolais au plus haut niveau de l’État qui prétendaient que cette démarche de l’EAC avait une mission offensive.
Avec l’arrivée prochaine des Angolais – aucune date n’a été fixée -, l’est de la RDC accueillera donc 18 contingents étrangers importants. « On est revenu à ce qu’on a connu en 1999″, soupire un expert international qui scrute depuis des années la situation en Afrique centrale. « On s’enlise de nouveau et on voit aussi, qu’en plus de ces contingents étrangers, l’État congolais s’appuie sur des mouvements rebelles locaux aussi, voire des mercenaires que l’on rebaptise ‘instructeurs’, mais qui ne sont jamais que des hommes qui louent leurs bras et leurs armes pour aider une armée inexistante. »
Quelle cohabitation ?
Dans l’est de la RDC, les troupes angolaises devront cohabiter avec celles de l’EAC (Burundi, Tanzanie, Kenya, Sud-Soudan et Ouganda) mais aussi avec la Mission de paix des Nations unies. « Une mission qui, comme d’habitude, est officiellement critiquée, mais qui a déjà transporté cette année quelques tonnes de matériel électoral », explique un témoin bien placé à Kinshasa qui énumère les principaux contingents présents dans cette région, « Près de 2 000 Pakistanais, presque autant d’Indiens, plus de 1 600 militaires du Bangladesh, 1 185 Sud-Africains, 1 153 Népalais, un bon millier d’Indonésiens, 924 Marocains, 851 Tanzaniens, 826 Uruguayens et 747 Malawites, pour ne prendre que les dix principales nations présentes militairement. Si vous regardez du côté de la police onusienne, vous découvrez près de 500 Sénégalais, 350 Égyptiens et presque autant de Jordaniens. »
Un « bazar », pour reprendre l’expression d’un diplomate de la région qui insiste, lui, sur le danger de ces « experts techniques étrangers chers et difficilement gérables venus de l’ex-URSS ou de l’Europe de l’Est, comme ces instructeurs roumains arrivés à Goma fin 2022 ». Des hommes dont la présence a été confirmée par le ministre congolais de la Communication, Patrick Muyaya, qui nie par ailleurs la présence de miliciens russes de la compagnie Wagner. Officiellement, Kinshasa justifie la présence de ces « experts » pour « l’entretien et la mise en œuvre d’avions Soukhoï et d’hélicoptères de combat à Goma », la capitale du Nord-Kivu.
« Jusqu’ici, ces appareils, achetés il y a quand même plus de dix ans sous la présidence de Joseph Kabila, étaient entretenus par des Géorgiens ou des Biélorusses et les avions sont pilotés par des Ukrainiens », poursuit-il pour s’étonner de la venue de ces « nouveaux techniciens ».
Business militaire juteux
Pour les Soukhoï, présentés comme des avions de chasse alors qu’il s’agit d’avion d’appui au sol, « ce qui convient le mieux aux besoins de l’armée congolaise », explique un expert, il faut désormais parler au singulier. L’un des deux derniers appareils a été touché par un tir rwandais, alors qu’il était dans l’espace aérien du voisin. « Il faut savoir que vu la position de la piste de Goma, les appareils sont pratiquement obligés de passer dans l’espace aérien rwandais pour atterrir, poursuit notre spécialiste. En général, ça, ne pose aucun problème, mais vu les tensions, les Rwandais n’ont pas hésité à montrer leur mauvaise humeur. »
Dans ce contexte, les Congolais cherchent à acquérir rapidement de nouveaux avions. « Une délégation chinoise est passée par Kinshasa, elle a proposé deux modèles, le Chengdu FC-1, aussi baptisé JF17, et le Chengdu J-10, bien plus cher. » Dans la foulée de cette visite, la République tchèque est entrée dans la danse via son ambassadeur pour proposer ses appareils meilleur marché et déjà utilisés par plusieurs pays africains dont le Mali. « L’avion tchèque, le L39 Albatros s’affiche désormais à 250 000 euros. Le JF17 chinois est à 15 millions et le J10 à 35 millions. Le choix du patron de la maison militaire ici s’est évidemment porté sur le J10. »
La guerre dans l’est de la RDC qui a déjà poussé, selon les derniers chiffres communiqués par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), plus de 798 000 familles à quitter leur village depuis la reprise des hostilités par le M23 fin 2021, soit plus de 4 millions de déplacés, continue de faire les affaires de quelques dignitaires du régime congolais.
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