« Il n’est jamais trop tard pour bien faire », clament les trois signataires de la lettre ouverte de ce 26 décembre. Une missive qui n’est pas passée inaperçue au lendemain du début chaotique de la première vague des enregistrements des électeurs dans la perspective des scrutins du 20 décembre 2023. La charge contre le régime de Félix Tshisekedi épingle aussi bien le manque de leadership du Président, que les innombrables atteintes aux libertés individuelles, le non-respect fréquent de la Constitution par la présidence congolaise, l’échec de l’état de siège dans le Nord-Kivu et l’Ituri, l’externalisation de la sécurisation du pays ou les dérives de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Le courrier est signé par Matata Ponyo, ancien Premier ministre de Kabila, Martin Fayulu, député et candidat de l’opposition en 2018, donné vainqueur de ce scrutin par plusieurs sources, et Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix en 2018. Si les deux premiers signataires ont annoncé leur intention de se présenter à la présidentielle, la position de Denis Mukwege ne semble pas encore arrêtée. Le courrier insiste d’ailleurs sur le fait qu’il représente l’opinion de « personnalités politiques et de la société civile ».
« Partenaire du Rwanda et de l’Ouganda »
Les trois hommes mettent notamment en évidence les risques de balkanisation du pays faisant suite au conflit qui ravage le Nord-Kivu et ils accusent le régime d’être un « partenaire fiable du Rwanda et de l’Ouganda qui agressent notre pays et exploitent illégalement les ressources naturelles ». Une critique qui porte dans un pays qui a fait de la tension avec le Rwanda son premier centre d’intérêt. Depuis des mois, la communication du gouvernement de Kinshasa se concentre sur ce conflit avec le M23 dans lequel il ne veut voir que la main de Kigali, niant toute « congolité » de ce mouvement rebelle et cherchant à invisibiliser les Tutsis congolais.
Martin Fayulu et Denis Mukwege ont régulièrement affiché leurs positions communes à l’égard du poids du Rwanda et, dans une moindre mesure, de l’Ouganda dans le chaos congolais. La voix de Matata Ponyo porte moins dans ce dossier mais permet aux deux hommes de ne pas apparaître comme inévitablement isolés politiquement. Cette lettre commune permet ainsi de relancer les supputations sur une éventuelle candidature unique pour un pan de l’opposition à Félix Tshisekedi. Le président sortant, qui ambitionne un second mandat, espère lui se retrouver face à de multiples candidats pour cette présidentielle à un tour, ce qui permettrait un large éparpillement des voix.
Les trois signataires de ce courrier n’ignorent évidemment rien de ce calcul du pouvoir en place, ce qui explique leur critique à l’égard de la Ceni maître d’œuvre de ce scrutin. Ils mettent en cause la neutralité de cette instance en épinglant la multiplication des centres d’inscription dans les régions favorables au président (Kasaï et Kinshasa). Ils en appellent à la révision de la composition de la Ceni et de la Cour constitutionnelle, à la levée des états de siège dans le Nord-Kivu et l’Ituri et la sécurisation du scrutin dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Mai-Ndombe et du Kwilu traversées aujourd’hui par des violences. Des demandes qui ont peu de chance d’être entendues dans un processus électoral aussi tendu que celui qui s’est engagé en RDC. Mais les interrogations et les demandes adressées par ce trio qui peut avoir l’oreille de la communauté internationale ont le mérite d’exister et de mettre l’accent sur de vraies questions qui hypothèquent encore un peu plus un processus électoral décidément bien mal engagé.
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