C’est la présidence angolaise qui l’a officiellement annoncé aux journalistes présents sur place pour couvrir l’évènement. Une information confirmée par la délégation congolaise : « On constate que la tripartite n’aura pas lieu puisqu’une partie n’est pas là », confie une source sur place. La partie qui n’est pas là, c’est donc le Rwanda. Le président Paul Kagame ne s’est pas rendu à Luanda.
En cause, explique Kigali, l’impasse des discussions suite au refus de Kinshasa à négocier directement avec le groupe armé du M23, rapporte notre correspondante Lucie Mouillaud. Selon le ministre des Affaires étrangères rwandais, Olivier Nduhungirehe, le sommet n’avait plus de « raison d’être » suite à l’impasse des discussions entre les chefs de la diplomatie.
« Nous avons été invités à ce sommet par lettre du facilitateur le 30 novembre qui indiquait que la partie congolaise avait donné son accord sur le dialogue avec le M23 dans le cadre du processus de Nairobi. On a aussi reçu un projet d’accord qui lui aussi contenait le mot dialogue. On est venu ici à Luanda et on a été surpris que la ministre des Affaires étrangères de la RDC a catégoriquement refusé toute idée de dialogue avec le M23, ce qui contredisait l’accord initial puisque le seul objet du sommet était la signature de l’accord et qu’il n’y avait pas d’accord entre les ministres sur cette question », a-t-il dit.
Du côté de la RDC, on dénonce « la mauvaise foi du Rwanda ». « Depuis le début du processus, il n’a jamais été question de conditionner la signature de l’accord par un dialogue quelconque avec le M23, ce qui constitue une ligne rouge. Le président [Tshisekedi, NDLR] l’a dit à maintes reprises : nous n’allons pas dialoguer avec le M23 car le M23 n’existe pas. C’est le Rwanda », a déclaré la porte-parole de la présidence congolaise, Tina Salama. Et d’ajouter :
« Nous considérons cela comme une entrave majeure aux efforts pour rétablir la paix dans la partie est de la RDC. Il y a eu plusieurs réunions ministérielles et cela n’avait jamais été abordé.» « Le gouvernement congolais doit désormais prendre toutes les mesures qui s’imposent » En effet, des tensions étaient apparues dès samedi vers la fin de la journée au moment où les ministres des Affaires étrangères ont commencé leur round de discussions. Jusqu’ici, les réunions protocolaires s’étaient enchainées entre chaque délégation et les Angolais.
« On travaille sur le scénario de la signature d’un accord », confirmait même une source diplomatique samedi dans l’après-midi. Mais c’est bien quand il a été question d’entrer dans le détail de cet accord que les esprits se sont échauffés. Malgré des discussions qui ont duré une bonne partie de la nuit, les trois chefs de la diplomatie ne sont pas parvenus à s’entendre à l’issue de cette réunion. Est-ce que le processus de Luanda va pâtir de cet échec ?
C’est une vraie question.
À Kinshasa, avant cette rencontre, plusieurs diplomates restaient prudents parce qu’ils avaient l’impression que le président angolais essayait d’obtenir dans la précipitation un accord de paix. « Selon nous, cette condition du Rwanda torpille le processus du paix et démontre que le Rwanda n’est pas engagé pour la paix », a dit la porte-parole de la présidence, Tina Salama.
« Les consultations doivent continuer avec le facilitateur de Luanda et même le facilitateur du processus de Nairobi, et lorsqu’une proposition concrète et sérieuse sur ce dialogue avec le M23 nous sera présentée, le Rwanda est tout à fait disposé à revenir à Luanda pour signer cet accord », a renchéri de son côté le ministre des Affaires étrangères de Kigali.
Arrivé lui dimanche matin à Luanda, le président congolais s’était rendu au palais présidentiel pour un tête-à-tête avec le chef de l’État angolais et l’ancien président kényan, Uhuru Kenyatta, qui pilote l’autre processus, celui de Nairobi qui encadre les négociations avec les groupes armés, rapporte notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi.
Les représentants de la société civile congolaise se disent quant à eux indignés par l’annulation de ce sommet. Président de la société civile du Nord-Kivu, John Banyene parle d’un rendez-vous manqué pour rétablir la paix dans la région et appelle désormais les autorités congolaises à prendre leurs responsabilités.
« Malheureusement, le Rwanda continue de montrer sa mauvaise foi […]. Je pense que le gouvernement congolais doit donc désormais prendre toutes les mesures qui s’imposent pour récupérer les zones passées sous le contrôle du M23 », déclare celui-ci au correspondant de RFI en RDC, Héritier Baraka.
L’intégrité d’un pays n’est pas négociable, l’État congolais doit s’imposer. 01:05 John Banyene, président de la société civile du Nord-Kivu.
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