Pourquoi Trump veut-il le Groenland et peut-il l’obtenir ?

Entre ambitions stratégiques et ressources naturelles, le président élu relance une idée controversée pour étendre l’influence américaine

Donald Trump, président élu des États-Unis, a récemment ravivé un vieux rêve américain : intégrer le Groenland au territoire des États-Unis. Ce projet, déjà rejeté en 2019 par le Groenland et le Danemark, revient sur le devant de la scène avec des déclarations affirmant que l’île, riche en ressources et stratégiquement située, devrait devenir une partie intégrante des États-Unis.

Un intérêt géostratégique et économique majeur

“Le Groenland est un endroit incroyable, et ses habitants bénéficieraient énormément s’il devenait partie de notre nation,” a déclaré Trump dans un post sur Truth Social lundi. Pour lui, cet objectif est crucial, notamment pour renforcer la sécurité nationale américaine et limiter l’influence d’autres grandes puissances, comme la Chine et la Russie, dans l’Arctique.

Le Groenland, bien que géographiquement rattaché au continent nord-américain, est un territoire semi-autonome sous souveraineté danoise. Sa position stratégique en Arctique est vitale pour les intérêts militaires américains. La base aérienne de Pituffik, située dans le nord-ouest de l’île, joue un rôle clé dans le système d’alerte avancée contre les missiles balistiques et la surveillance des mouvements navals russes dans la région source.

En outre, l’île est riche en ressources naturelles telles que le graphite, le lithium et les terres rares, essentiels pour les technologies vertes comme les batteries de véhicules électriques et les éoliennes. Selon une étude de 2023, 25 des 34 matériaux critiques définis par la Commission européenne sont présents au Groenland, mais leur exploitation reste entravée par des réglementations strictes et l’opposition des populations locales source.

L’héritage historique des tentatives américaines

L’idée d’acquérir le Groenland n’est pas nouvelle. En 1946, le président Harry Truman avait proposé d’acheter l’île pour 100 millions de dollars en or, mais le Danemark avait refusé. Cette initiative s’inscrivait dans une logique de Guerre froide, où le contrôle de l’Arctique représentait un avantage stratégique face à l’Union soviétique.

En 2019, Trump avait déjà exprimé son intérêt pour l’achat de l’île, suscitant une vague de critiques internationales. La Première ministre danoise de l’époque, Mette Frederiksen, avait qualifié cette proposition d’“absurde” source.

Un défi pour l’indépendance groenlandaise

Le Groenland bénéficie depuis 2009 d’une large autonomie, notamment le droit de déclarer son indépendance par référendum. Cependant, son économie reste fortement dépendante des subventions danoises, qui couvrent environ la moitié de son budget public, soit près d’un milliard de dollars par an. Plus de 95 % des exportations de l’île reposent sur la pêche, tandis que ses projets miniers sont freinés par des considérations environnementales.

Le Premier ministre groenlandais, Mute Egede, a intensifié les efforts pour une indépendance totale, tout en insistant sur le fait que l’avenir du Groenland appartient à ses habitants. “Le Groenland n’est pas à vendre,” a-t-il affirmé à plusieurs reprises, rejetant les ambitions américaines.

Cependant, certains Groenlandais envisagent une coopération accrue avec les États-Unis. Une option discutée est un modèle de “libre association” avec les États-Unis, similaire à celui des îles Marshall ou de la Micronésie, qui leur permettrait de bénéficier d’un soutien économique sans renoncer à leur autonomie.

Un Danemark sur la défensive

Les relations entre le Danemark et le Groenland sont marquées par des tensions, exacerbées par des révélations sur des abus historiques durant la période coloniale. Bien que le Danemark soit un proche allié des États-Unis au sein de l’OTAN, il a fermement rejeté les ambitions américaines sur le Groenland. “Le Groenland appartient aux Groenlandais,” a récemment déclaré Frederiksen, soulignant que l’avenir de l’île doit être décidé par ses habitants, et non par des puissances étrangères source.

Un avenir incertain pour le Groenland

Alors que la majorité des Groenlandais souhaitent l’indépendance, peu voient cette option comme viable sans une alternative économique solide. Une annexion américaine, même déguisée sous forme de partenariat, reste largement impopulaire. Pour Trump, le Groenland représente une opportunité stratégique, mais aussi un symbole de sa vision expansionniste des intérêts américains.

Cependant, comme l’a noté Aaja Chemnitz, une députée groenlandaise, “Les Groenlandais ne veulent pas devenir le pion des rêves impérialistes de Trump.”


En relançant ce débat controversé, Trump met en lumière les enjeux complexes de l’Arctique, où s’entremêlent ambitions économiques, tensions géopolitiques et aspirations locales. Que cette idée aboutisse ou non, elle reflète l’importance croissante de l’Arctique dans la politique mondiale et les défis que posent les stratégies de puissance dans cette région fragile et stratégique.

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