Samson Deen, plus de 40 pays africains sont représentés à Paris. L’Afrique peut-elle faire mieux que les 63 médailles remportées aux Jeux paralympiques de Tokyo ?
Samson Deen : Nous l’espérons. En fait, si vous regardez les qualifications pour Paris, cela a été très, très difficile pour les pays africains. Les qualifications ont commencé à partir de 2021. En 2021, nous étions encore à Tokyo. Or, si vous regardez l’aspect financier, vous voyez que les gouvernements africains ne comprennent pas le principe selon lequel les qualifications paralympiques commencent immédiatement à la fin des Jeux précédents.
Donc, cela signifie que nous n’avons eu que deux ans pour que les Africains puissent se qualifier pour Paris. Et c’est pourquoi vous constatez que le nombre d’athlètes présents à Paris est en baisse d’environ 29 % par rapport à ce que nous avions à Tokyo. Donc, si vous regardez les chiffres, ils sont bas. Mais nous espérons pouvoir réitérer ce que nous avions fait à Tokyo.
Hormis l’athlétisme, dans quels sports l’Afrique peut-elle briller à ces Jeux paralympiques ?
Je crois que l’Afrique brillera dans le para-powerlifting où nous pouvons compter sur le Nigeria, nous pouvons aussi compter sur l’Égypte. Nous nous appuierons également sur le judo où l’Algérie se porte bien. L’athlétisme reste, elle, le sport tout-puissant qui nous fait tant de bien. Les pays d’Afrique du Nord, d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est remportent la majorité des médailles africaines aux Jeux paralympiques.
Existe-t-il une Afrique à deux vitesses dans le para-sport ?
Oui, on peut constater que les pays qui remportent les médailles sont la plupart du temps ceux qui se concentrent sur un type d’installation particulière, ou bien où vous pouvez trouver des installations, et où le gouvernement met beaucoup d’énergie et beaucoup de ressources, pour assurer le développement du sport.
Je pense que c’est le moment pour les gouvernements africains – ceux de la partie occidentale, centrale et orientale – d’être en mesure d’investir davantage dans les installations sportives au sein de leurs pays. Cela peut contribuer à améliorer le total des médailles lors de compétitions comme ces Jeux et cela peut aussi aider les athlètes à évoluer dans l’excellence. En 2023, le Ghana a organisé les tous premiers Jeux paralympiques d’Afrique, les Jeux para-africains.
Organiser un événement comme celui-ci, peut-il aider les athlètes de tout le continent à progresser ?
Oui, le but principal et mon objectif, c’est de faire en sorte que nous utilisions les Jeux para-africains comme un événement incontournable en vue des prochains Jeux paralympiques de 2028. En 2026, il y aura des Jeux para-africains de la Jeunesse. Puis, nous allons organiser les deuxièmes Jeux para-africains en 2027.
Le 3 septembre à Paris, nous accueillerons toute l’Afrique et le monde entier durant un événement appelé « Africa Meet and Gala night ». C’est là que nous allons annoncer l’agence qui va gérer la candidature et l’organisation des prochains Jeux africains, que nous voulons incontournables et qualificatifs pour Los Angeles 2028.
Confirmez-vous que la prochaine édition des Jeux para-africains aura lieu au Caire, en 2027 ?
J’en ai parlé avec le ministre égyptien des Sports, le docteur Ashraf Sobhy, en mai, lors de ma visite en Égypte. Il a clairement indiqué que le gouvernement égyptien n’a pas les ressources nécessaires pour les Jeux para-africains. En revanche, je peux dire que le gouvernement de la RD Congo a confirmé, à travers une interaction avec moi, qu’il était intéressé pour accueillir la deuxième édition. Et je suis également en pourparlers avec la Première dame du Nigeria, Son Excellence Oluremi Tinubu, l’épouse du président, pour envisager la possibilité que le Nigeria accueille les Jeux para-africains de la Jeunesse, en 2026.
D’ici 2027, que faut-il améliorer en priorité dans le développement et la promotion du para-sport en Afrique ?
Ma priorité, en tant que responsable de la région Afrique, est que les équipes africaines aient beaucoup plus d’athlètes. Notre objectif pour la région africaine est fixé à 400 athlètes aux Jeux. Nous espérons qu’à Los Angeles, nous n’aurons pas moins de 350 athlètes.
C’est notre objectif et nous allons utiliser notre continent pour accueillir davantage d’événements sportifs et bien nous préparer. C’est moins cher de se préparer en Afrique. Cela coûte très cher en revanche d’aller en Asie, en Amériques et dans d’autres régions. L’Europe est aussi parfois moins cher que l’Afrique.
Nous envisageons donc d’établir un partenariat avec le Comité paralympique européen, d’établir un partenariat avec certaines parties prenantes stratégique comme la Grande-Bretagne qui m’a soutenu depuis que je suis président de l’APC et nous envisageons également d’établir un partenariat avec d’autres pays comme la France qui nous aide actuellement dans la plupart des décisions et de nos programmes.
Leonor Angelica Espinoza Carranza du Pérou en action contre Guileine Chemogne Teukam du Cameroun à côté de l’arbitre Marjan Teimouri, lors des Jeux paralympiques de Paris 2024.
Avez-vous l’impression que les mentalités changent en Afrique à l’égard du para-sport ?
Je pense que l’organisation des premiers Jeux para-africains nous a vraiment rapproché des gouvernements. Et si vous regardez les équipes africaines présentes ici, c’est la première fois que je n’entends qu’aucune se plaindre des budgets. Cela signifie que les gouvernements comprennent désormais qu’ils doivent investir dans le mouvement paralympique en Afrique. Nous espérons utiliser toute cette tribune que sont les Jeux paralympique de Paris.
Les sportifs en situation de handicap sont-ils victimes de discriminations dans certains pays du continent ?
Je pense que leur situation s’améliore parce que les médias se font de plus en plus entendre. Les médias s’intéressent désormais aux personnes handicapées. Au Ghana, par exemple, si le gouvernement décide de ne pas faire ce qu’il faut pour les para-athlètes, les médias les soutiennent toujours. Nous vous incitons donc, vous, les médias, à être à l’avant-garde de la sensibilisation, car les athlètes et les officiels eux-mêmes, ceux qui dirigent le sport en Afrique, ont parfois un complexe d’infériorité.
Certains d’entre eux ont parfois beaucoup de mal à s’adresser à leur gouvernement. Ils croient qu’ils doivent passer par un long processus pour y arriver. Mais les choses doivent changer. C’est pourquoi le Comité paralympique africain cherche à renforcer les capacités des différents comités nationaux paralympiques en Afrique. Tout cela fait partie du processus visant à amener l’Afrique au sommet.
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