Publicité Lire la suite Finie l’époque où le président ghanéen tirait le signal d’alarme sur « la présence de mercenaires russes au Burkina Faso » pendant le sommet États-Unis-Afrique de décembre 2022 à Washington.
Aujourd’hui, Nana Akufo-Addo estime que les « supplétifs russes » ne sont pas très différents des « supplétifs français » qui les ont précédés au Burkina. Surtout, le chef de l’État ghanéen affirme que son pays « ne peut pas tourner le dos au Burkina Faso » et « espère, dès que possible, un nouvel arrangement » pour la réintégration du Burkina Faso, du Niger et du Mali dans la Cédéao.
Dans cet entretien à RFI, avec une franchise étonnante, le président ghanéen plaide par ailleurs fortement pour la libération du président Mohamed Bazoum, emprisonné au Niger depuis le putsch de juillet 2023. Heureuse coïncidence pour ce pays : le Ghana devient membre de plein droit de l’OIF au moment où, à la suite d’un accord avec ses créanciers et le FMI, il sort de sa crise financière et obtient un allègement de quatre milliards sur sa dette extérieure, évaluée à quelque 30 milliards de dollars.
Conformément à la Constitution du Ghana, le président Nana Akufo-Addo s’apprête à quitter le pouvoir au terme de ses deux mandats. Et pourtant, il ne regrette rien. RFI : M. le président, bonjour. Suite à une démarche de votre part, le Ghana va devenir cette année membre de plein droit de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Pourtant, dans votre pays, on parle l’anglais. Pourquoi vouloir rentrer à part entière dans la Francophonie ? Nana Akufo-Addo : D’abord, il y a des raisons stratégiques. Vous savez très bien que même si on est un pays anglophone, on est entourés par les pays francophones : au nord, le Burkina Faso, à l’est le Togo, à l’ouest la Côte d’Ivoire.
C’est un îlot anglophone dans une mer francophone, et je pense que ce sera bien, pour le Ghana, d’avoir des relations encore plus intimes, plus stratégiques, avec ce monde francophone. Depuis le début de cette année, le Burkina Faso, le Niger et le Mali ne sont plus membres de la Cédéao, c’est en tout cas ce qu’ils disent. Est-ce que vous dites « tant pis, c’est comme ça » ?
Ou au contraire, espérez-vous encore les convaincre de revenir dans la grande maison Cédéao ? Ça ne peut pas être tant pis, ça ne pourra pas être tant pis. La décision de se retirer de l’organisation, c’est une décision assez grave pour l’organisation.
On va avoir une Afrique occidentale, une Afrique continentale aussi, encore plus intégrée. Ce n’est pas le moment de voir les gens commencer à se diviser dans notre organisation de la Cédéao. Pour moi, c’est très important pour nous. Au Ghana, on a comme voisin le Burkina Faso, avec 600 km de frontière commune entre nous. On est liés avec le Burkina Faso sur plusieurs niveaux.
On ne peut pas aujourd’hui lui tourner le dos, dire qu’on s’en « fout » de ce qu’il se passe là-bas. Non, on doit continuer à travailler, voir quelles sont les bases sur lesquelles on peut se rapprocher avec tous ces pays. Malgré la présence de supplétifs russes sur le sol du Burkina ? Il y avait des supplétifs français, avant.
Ça, ce n’est pas le problème. Le problème, c’est de savoir comment on va vers la réintégration de ces pays dans la Cédéao. Et j’espère bien qu’aussitôt que possible, on aura un nouvel arrangement. Voilà plus d’un an que le président Bazoum est en prison à Niamey.
Est-ce que tout le monde l’a oublié ? On ne peut pas l’oublier. Bazoum a été un président élu, démocratiquement élu. À l’époque, il n’y a pas eu de contestation pour son élection, et moi, je pense que son leadership a été très positif, aussi bien pour la Cédéao que pour le Niger.
Ce serait un mauvais signal, si nous, qui sommes également des leaders démocratiquement élus dans l’espace Cédéao, on lui tournait le dos. Demain, ça peut être moi, ça peut être quelqu’un d’autre. Ce n’est pas un bon signe, ça.
On doit être solidaires avec Bazoum, on continue d’insister sur sa libération sans conditions. Après, on verra bien ce que ce que ça va donner. On est en pleine campagne désormais dans votre pays. L’élection, c’est dans deux mois.
Quand l’opposition vous reproche, M. le président, d’avoir laissé passer la Côte d’Ivoire devant le Ghana comme deuxième puissance économique de l’Afrique de l’Ouest, qu’est-ce que vous répondez ? Légèrement, légèrement. On a eu des moments très difficiles. Ce n’est pas un secret : moi, je n’ai jamais essayé de cacher que le Ghana passait des moments très difficiles dans notre vie économique.
Mais j’ai insisté, et j’ai réassuré au peuple ghanéen que je vais faire de mon mieux pour retrouver la situation d’avant, pour relancer l’économie ghanéenne. Et je suis confiant, après les accords qu’on vient d’établir avec les bondholders (détenteurs d’obligations, NDLR) et d’autres acteurs (…) Et j’ai foi également dans les fondamentaux de notre économie ghanéenne, ce sont des fondamentaux forts.
Le Ghana, c’est un pays avec des possibilités potentiellement très fortes. Je suis certain que dans quelque temps, la situation dont vous parlez sera encore renversée. J’en suis certain. Entre le Ghana et les États-Unis, il y a une très longue histoire.
En 2009, c’est à Accra que le président Obama a prononcé son célèbre discours sur l’Afrique. Aujourd’hui, ce dernier appelle à voter Kamala Harris à la présidentielle de novembre, aux États-Unis. Et vous, quelle est votre préférence ?
Je ne peux pas avoir de préférence, je suis le dirigeant d’un pays indépendant. Mais Kamala Harris nous a rendu visite. Elle est venue au Ghana, et à cause de sa visite, je pense que la majorité des Ghanéens ont une préférence ! Moi, je ne peux pas avoir une préférence officielle.
La personne qui est élue par le peuple américain va travailler avec le président du Ghana, et avec les autres dirigeants du monde.
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