Les djihadistes d’Ansar Al-Sunnah au Mozambique sont clairement repartis à l’offensive ces derniers mois, soutenus par une véritable campagne de communication orchestrée par les médias de l’État islamique auquel ils ont fait allégeance en 2019.
Plan de communication
Depuis la fin du mois de mai, les attaques sont pratiquement quotidiennes et ne se cantonnent plus uniquement à la province du Cabo Delgado dans le nord du pays. Les islamistes, qui font désormais face non seulement à l’armée nationale, mais aussi à des renforts venus du Rwanda et d’autres envoyés par les pays de la SADC (Communauté d’Afrique australe) ont adapté leur stratégie. Ils se sont constitués en petites cellules mobiles. Le 28 juin dernier, ces islamistes n’ont pas hésité à attaquer par surprise une garnison à Nangade (Cabo Delgado). Le commandant de la garnison a été abattu et les rebelles sont repartis avec un stock d’armes et de munition. Une “action d’éclat” mise en avant sur les réseaux sociaux de l’État islamique qui ont revendiqué l’action, photo à l’appui.
Ces derniers temps, l’EI a décidé de mettre en exergue ses branches africaines. Une vraie campagne de communication qui passe par des messages envoyés en vidéo par des combattants de l’EI en Syrie et en Irak, les deux principales « ailes » du mouvement, qui saluent et mettent en exergue le courage de « leurs frères africains » en pointant en premier lieu les combattants mozambicains puis les membres des ADF qui sévissent en RDC. Les combattants du Mali, du Nigeria et du Sahel sont aussi mis en évidence.
Il faut dire aussi que plus de la moitié des attaques revendiquées en 2022 par l’EI ont été commises sur le sol africain. Ce qui démontre aussi l’importance que le continent a pris dans la stratégie des islamises radicaux.
En 2022, sur les six premiers mois de l’année, ils ont ainsi revendiqué 58 attaques perpétrées par leurs affidés mozambicains. Parmi ces dernières, certaines ont été orchestrées de l’autre côté de la frontière tanzanienne mais aussi plus au sud du Mozambique, dans la province de Gaza, par très loin de l’Eswatini (ex-Swaziland) et donc de l’Afrique du Sud.
Une mobilité qui gêne l’armée mozambicaine, mais aussi les troupes de la Samim (mission de la SADC au Mozambique) ou les forces rwandaises, surtout engagées pour sécuriser le projet gazier dont le principal promoteur est le groupe français TotalÉnergie. Aujourd’hui, face à cette instabilité et cette violence, le projet est suspendu. D’autres entrepreneurs ont décidé de mettre la clé sous le paillasson ou de suspendre leurs investissements. Certains analystes pointent désormais le risque que font peser ces islamistes sur le Canal du Mozambique par lequel passe 30 % de la production pétrolière mondiale.
C’est sur cette côte que se situe Pemba, le chef-lieu de la province du Cabo Delgado où vient d’être instauré l’interdiction de circuler à moto entre 18h et 05h, pour empêcher une “éventuelle offensive des islamistes…
“Dangereuse cécité”
“Le monde entier a le regard porté vers l’Ukraine et oublie le Mozambique”, explique sur Twitter une spécialiste sud-africaine du renseignement.
Sur le continent, un consensus se dégage pour remettre le Zimbabwe (Fortune Charumbira, un des principaux chefs coutumiers du pays, vient ainsi d’être élu fin juin président du parlement panafricain) et son armée au cœur de la réponse face aux islamistes.
“Les fondamentalistes veulent installer un califat en Afrique australe”
Les autorités zimbabwéennes, le président Mnangagwa en tête, répètent leur disponibilité pour faire taire cette menace. Pour y parvenir, l’UE doit lever une dernière sanction qui frappe Harare et son industrie militaire depuis… 2002. Plusieurs interventions parlementaires ont déjà eu lieu dans l’hémicycle européen. Fulvio Martusciello, élu du PPE, a encore insisté ce lundi 4 juillet sur l’urgence d’en finir avec ces sanctions qui profitent désormais aux islamistes. Le président français Emmanuel Macron, de son côté, s’est engagé à peser de tout son poids sur ce débat européen sur cette sanction et devrait inviter son homologue zimbabwéen à l’Élysée avant l’Assemblée générale de l’Onu de septembre prochain.
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