RFI : Quelle est la stratégie aujourd’hui de la plate-forme Aar Sunu Election, qui veut dire « protégeons notre système électoral » ?
Moundiaye Cissé : Ce vendredi, ce que nous allons faire, c’est mobiliser l’ensemble des imams pour que dans leurs prêches, ils sensibilisent le chef de l’État pour le respect du calendrier électoral, et également l’Église, qui est mobilisée, l’Église a déjà donné sa position sur la question. Et donc, c’est une occasion pour nous de nous habiller en blanc dans les mosquées, au niveau des églises, pour dire non à ce forcing électoral, non à ce coup d’État constitutionnel qui vient d’être perpétré. Il y a également un appel à une manifestation ce mardi 13 février.
Est-ce que vous comptez vraiment sur une forte mobilisation – sachant qu’on a vu, dernièrement, des manifestations réprimées par des forces de défense et de sécurité ? Est-ce que vous pensez que vous pouvez mobiliser sur le terrain, dans les rues ?
Oui, parce qu’on a envoyé, au niveau du ministère de l’Intérieur, une demande d’autorisation pour faire une manifestation pacifique. Le droit à la marche, le droit à la manifestation, c’est un droit consacré par notre Constitution. Nous n’allons pas incendier des pneus, casser des véhicules, ou autres, alors c’est une marche pacifique. Personne ne peut et n’a le droit de nous empêcher d’organiser une marche pacifique.
Est-ce que vous ne craignez pas une lassitude des populations, une forme de découragement ?
Non, du tout, parce que ce que les populations ont subi, ça a été un coup dur. C’est comme frapper un enfant et vouloir l’empêcher de pleurer. Aujourd’hui, c’est un choc national. Il y a même plusieurs partisans du président qui sont contre le report. C’est un sentiment généralisé, mais tout en le faisant dans la paix et dans la sérénité. Les syndicats vont jouer leur partition, les religieux vont jouer leur partition, la société civile va jouer sa partition.
Vous évoquez les syndicats, justement, on entend un appel à des débrayages dans les écoles ce vendredi. Est-ce qu’il y a un mot d’ordre de grève générale qui est envisa gé , sachant que pour le secteur informel, pour les commerçants, etc., ce serait très difficile, il y aurait un manque à gagner important, ce serait une forme de sacrifice ?
Chacun peut participer à cette mobilisation à sa manière, sans pour autant que ce soit préjudiciable à l’exercice de ses activités. Les syndicats, c’est parce qu’ils peuvent mobiliser les enseignants pour faire des débrayages, ou autres, les commerçants peuvent s’habiller en blanc, arborant les couleurs nationales, pour dire non à ce report. Mais il faut que le président Macky Sall sache que c’est une décision impopulaire, c’est une décision contraire aux principes de notre Constitution et ça ne va pas passer. Si on laisse passer ce report, ce serait une jurisprudence grave, une brèche, parce que tout président après Macky Sall pourrait, au bout de cinq ans, prétexter une crise pour reporter les élections tant qu’il ne se sent pas majoritaire.
Il n’y a pas de représentants de partis politiques au sein de la plate-forme, comment est-ce que vous comptez vous associer ? Notamment, on a entendu certains candidats contre ce report également, comment est-ce que vous allez travailler ensemble ?
Pour le moment, c’est une action citoyenne pour éviter qu’on nous dise que nous sommes manipulés par les politiques, parce que la façon dont se battent les politiques est différente de la façon dont nous nous battons. Après, on va évaluer.
Si ça nécessite qu’il y ait une jonction avec les acteurs politiques, on le fera. Vous attendez avec impatience une décision de la Cour constitutionnelle ? Vous avez un espoir, sachant qu’il y a des recours contre le décret, contre la loi également ?
Pas seulement le Conseil constitutionnel, il y a également la Cour suprême. Nous avons invité le pouvoir judiciaire, selon le principe de la séparation des pouvoirs, à prendre ses responsabilités. Dans le communiqué du Conseil des ministres, mercredi soir, le président Macky Sall ne semble pas du tout revenir sur sa décision.
Quel regard portez-vous sur ce communiqué, notamment la confiance renouvelée envers le Premier ministre Amadou Ba ?
Ça, c’est politique, pour nous, ça ne l’engage que lui. Le communiqué du Conseil des ministres devait tout dire, sauf inviter les gens à un dialogue, que le Premier ministre pourrait même présider. Non, il devait faire un dialogue avant de prendre cette décision. Il devait consulter, pas seulement les présidents des institutions. Les présidents des institutions, c’est lui-même qui les a nommés.
Est-ce que vous ne craignez pas un enlisement de cette situation ?
Non, nous espérons, surtout avec les réactions de la communauté internationale – il y a la réaction américaine, mais aussi la dernière réaction de la Cédéao. Et au-delà de la communauté internationale, les Sénégalais ne vont pas laisser passer cette forfaiture.
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