En mai 2021, en prenant le pouvoir, le colonel Assimi Goïta et la junte des colonels maliens avaient érigé le combat contre les djihadistes et l’insécurité dans le pays en argument fédérateur pour rallier la population à leur cause. Un an et demi après ce coup d’État, le temps est à la désillusion. Non seulement ils ne sont pas parvenus à ramener la paix dans le nord du pays, mais ils doivent faire face à une progression des troupes islamistes, qu’elles soient proches de l’État islamique ou d’Al Qaïda. Des islamistes qui, avec le départ des troupes françaises de l’opération Barkhane, ont retrouvé un certain champ de manœuvre comme l’a démontré une vidéo postée sur les réseaux sociaux par l’État islamique dans le Grand Sahel (EIGS) le 13 décembre dernier. On y découvre des centaines d’hommes armés de fusils d’assaut ou de lance-roquettes, des pick-up piqués de mitrailleuses lourdes et des dizaines de motos lors d’un rassemblement organisé à l’occasion du serment d’allégeance au nouveau calife de l’organisation Abou al-Hussein al-Husseini al-Qourachi.
Le pied de nez est considérable pour les autorités maliennes et les mercenaires russes de Wagner qui les ont rejoints “officiellement” il y a tout juste un an. La mise en scène de cette vidéo a inévitablement demandé quelques heures. Une exposition impensable lorsque le dispositif des troupes de l’opération Barkhane était encore de mise. “Un vrai coup de com réussi”, comme l’explique cet ancien ministre malien sous couvert d’anonymat. “Mais il n’y a, malheureusement, rien de surprenant. Les seuls adversaires de l’EIGS, désormais, ce sont les troupes du GSIM (Groupe de soutien de l’islam et des musulmans, NdlR) proches d’Al Qaïda, pas l’armée malienne, ni les milices russes de Wagner qui ne s’aventurent pas dans cette région.”
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Une fois de plus, ce sont les populations civiles qui paient le plus lourd tribut à ce retour en force des islamistes de l’EIGS. Selon plusieurs sources locales, pas moins de 900 personnes ont perdu la vie depuis le mois de mars dernier. Face à l’absence de l’armée malienne, ce sont les troupes d’autres milices issues des mouvements de l’Azawad, des milices arabes ou touaregs qui leur ont porté secours pour éviter un nouvel exode dans une zone réputée riche en eau et donc en pâturage.
Absence de réponse de l’armée
Tous les témoignages publiés dans la région soulignent l’absence totale des troupes de l’armée malienne et du millier de mercenaires russes accusés de se “contenter” de mener des actions contre les communautés peules, assimilées à des djihadistes.
”Compte tenu de l’absence de moyens réels mis en œuvre par Wagner et de son manque d’expertise pour ce type d’opération antiterroriste localisée, il est désormais clair que l’emploi de Wagner au Mali n’a donné lieu à aucun succès substantiel sur le terrain, même symbolique, tout en contribuant à la détérioration de la situation. C’est ce dont témoigne l’augmentation du nombre de victimes en 2022 qui est plus élevé que toutes les autres années depuis le début de la crise en 2013”, explique dans son rapport daté du mois de novembre l’association All Eyes on Wagner. Elle poursuit en constatant que “l’efficacité des opérations de Wagner au Mali se mesure à la progression des groupes djihadistes. Cette progression, qui est estimée à plus de 30 % de conquête territoriale, est multifactorielle. Il y a tout d’abord le choix du Mali de ne plus accepter le soutien de la force Barkhane avec en parallèle la mise en place de Wagner comme force supplétive ; il y a aussi l’incapacité des forces armées maliennes à être pleinement opérationnelles de façon autonome tandis que l’on constate la montée des capacités tactiques et techniques” des différents mouvements djihadistes.
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