«L’Iran veut se positionner en Afrique comme une puissance dans tous les domaines»

«L’Iran veut se positionner en Afrique comme une puissance dans tous les domaines»

L’Iran s’est rapproché récemment du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Eux aussi sont sous sanction. Le président iranien Ebrahim Raïssi a fait l’éloge de la résistance de ces pays face aux politiques hégémoniques européennes. Est-ce que l’Iran a réellement trouvé de nouveaux alliés ? Alhaji Bouba Nouhou : L’Iran a promis son aide aux pays du Sahel, avec notamment la visite du Premier ministre du Niger à Téhéran, le Burkina Faso a également exprimé sa volonté de coopérer.

Donc, on voit très bien que, là, l’Iran trouve de nouveaux partenaires dans la zone sahélienne où jusqu’à présent Téhéran était absent. Concrètement, qu’est-ce que l’Iran peut apporter, notamment sur ces questions militaires ? Beaucoup de spécialistes évoquent la qualité des drones iraniens. Oui, en fait, l’Iran considère ces pays comme aussi une porte d’entrée pour exporter particulièrement sa technologie.

On voit bien que l’Iran en Afrique est considéré comme un pays qui dispose de drones et que ces drones-là ont fait parler avec la livraison des drones à la Russie. Et donc, les États africains peuvent être intéressés par ses drones iraniens pour défendre leurs intérêts.

C’est déjà une très bonne chose. À lire aussiL’Iran fournit des drones à l’armée soudanaise, selon Bloomberg Économiquement, on le sait, le Niger possède 8% des réserves d’uranium mondial, est-ce que l’Iran cherche aussi à accéder à ses ressources pour son programme nucléaire ? Je ne dis pas que l’Iran n’est pas intéressé par l’uranium, mais l’Iran est un producteur aussi d’uranium.

Je pense plutôt sur le positionnement, l’Iran se positionne. N’oublions pas, à côté du Niger par exemple, vous avez le Nigeria, le Nigeria qui est un grand partenaire de l’Iran en Afrique. Les échanges commerciaux avec le Nigeria ont augmenté à peu près de 150 millions de dollars en 2023. Et donc, aujourd’hui, l’Iran veut se positionner en Afrique comme une puissance dans tous les domaines, dans le domaine économique mais aussi dans le domaine sécuritaire. Cette offensive diplomatique iranienne, elle est aussi coordonnée avec la Russie ?

Alors non, non, elle n’est pas coordonnée avec la Russie. Elle est indépendante de l’offensive diplomatique russe. C’est vraiment deux projets différents, deux approches différentes. En Afrique, l’Iran mène sa propre diplomatie. L’Iran, et ce n’est pas nouveau, joue la carte du prosélytisme. Pourquoi, justement, les autorités iraniennes considèrent que c’est essentiel d’intégrer le continent africain, les pays musulmans, vous citiez le Nigeria, à travers ce prisme religieux ?

Parce qu’avec le Nigeria, l’Iran s’est intéressé aux groupes religieux à partir des années 1980 et particulièrement avec le mouvement islamique d’Ibrahim Zakzaky. Et donc, l’Iran voit naître dans ce pays-là une petite communauté religieuse chiite. Parce que la majorité la population nigériane, elle est plutôt sunnite, malikite, et cette communauté chiite, elle est en phase avec l’Iran. L’Iran voit aussi finalement cette influence religieuse comme un atout dans la mesure où, jusqu’à présent, on n’avait pas de communauté chiite en Afrique et surtout des communautés autochtones. Comment les autorités iraniennes entrent « diplomatiquement » en Afrique ?

Ça commence par des accords de coopération dans divers domaines, parce que l’Iran intervient aussi bien sur la technologie, par exemple agricole et cetera, et cetera. Donc, c’est par ce biais-là que l’Iran arrive à créer finalement des réseaux. Et il ne faut pas réellement se focaliser sur l’Afrique sahélienne parce que l’Iran est aussi présent en Afrique de l’Est avec le Zimbabwe, mais aussi la Zambie, le Kenya, l’Iran a des investissements dans ces pays-là.

Également en Afrique du Sud, le lien est très ancien. Oui, avec l’Afrique du Sud, le lien est très ancien. Le lien date depuis l’apartheid parce que l’Iran a soutenu le combat de l’ANC. L’Iran, maintenant, est membre des Brics, ce qui renforce les relations non seulement entre l’Iran et l’Afrique du Sud, mais aussi entre l’Iran et deux autres États africains, l’Éthiopie et l’Égypte, qui ont intégré les Brics. Donc l’Iran, aujourd’hui, est de retour sur la scène internationale.

On voit très bien que l’Iran a renoué ses relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite. Donc, les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran vont favoriser finalement aussi ce retour de l’Iran qui ne sera plus perçu entre guillemets « comme un ennemi », mais plutôt comme un allié. Et donc, on le voit très bien : ce retour ne fait que s’accélérer sur le continent.

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